Dopamine

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Savez-vous ce qu’est un webzine de critique musical ? De la dopamine pour labels et artistes, un panneau publicitaire clignotant gratuit en plein centre ville sur lequel passent sans cesse les noms des labels, de leurs artistes et les pochettes des albums.

C’est d’autant plus vrai dans le monde du rock progressif où les labels qui dominent le marché se comptent sur les doigts d’une main.

Avec plus de quinze mille articles lus par mois, un magazine du numérique, tenu par des bénévoles passionnés, génère de manière indirecte des revenus non négligeables à l’industrie de la musique. D’ailleurs ils l’ont bien compris, sinon pourquoi enverraient-ils des albums en promotion ?

Il fut un temps lointain où la presse recevait des vinyles et des compact-discs. C’est encore vrai pour les grands groupes de presse qui d’ailleurs n’en n’ont rien à faire de cette musique qui n’intéresse pas leurs lecteurs. De CD, la musique devint MP3 à télécharger et de plus en plus aujourd’hui, un lien vers une plateforme de streaming à usage limité dans le temps. Quelques maisons de disque se fendent encore de support physique, mais il s’agit aujourd’hui d’une toute petite minorité.

Les labels passent le plus souvent par des intermédiaires pour travailler avec la presse et certains intermédiaires peuvent gérer le catalogue de plusieurs labels en même temps.

Certaines de ces presonnes mettent à votre disposition tout leur catalogue, quelque soit votre ligne éditoriale. D’autres vous livrent au compte goutte, au gré de votre production et de l’enthousiasme affiché dans les colonnes de votre magazine. Dans ce dernier cas, pour recevoir l’intégralité du catalogue, il faut montrer patte blanche et se réveiller un élève exemplaire.

Dans notre petit monde, une mauvaise critique peut sceller la fin de toute relation avec un label ou un de leurs représentants. Soudain, votre magazine, autrefois inondé de promotions, se retrouve avec des propositions de seconde zone, des albums de reprises, des lives ou des flop assurés.

Pour éviter cela, certains webzines optent pour la soumission, la flatterie, à coup de chroniques dithyrambiques, de cadence infernale, d’interview avec les questions en forme d’adulation. Mais ces articles possèdent-ils le moindre intérêt pour le lecteur, à part les conforter dans une stupide idolâtrie ? Où se trouve alors la critique, quid de l’article qui permet d’éclairer le lecteur sur la qualité de tel ou tel album s’ils sont tous jugés bien ou très bien ?

A Neoprog, nous avons toujours fait le choix de l’honnêteté et de l’indépendance. Lorsque nous aimons, nous l’écrivons, lorsque nous n’aimons pas, nous le disons également. Nous menons des interviews lorsque l’artiste nous intéresse et nous couvrons les concerts qui nous font envie.

Alors bien entendu, il nous arrive de critiquer, de ne pas être tendre avec ceux qui n’ont pas l’excuse de la jeunesse ou du manque de moyen pour produire un navet. Cela me semble logique de prévenir le lecteur que ce qu’il pourrait acheter une trentaine d’euros ne vaut pas la peine d’y consacrer le moindre cent. A contrario, il nous arrive de porter aux nues un illustre groupe inconnu, juste parce qu’il a réellement du talent.

C’est notre rôle.

J’ai fait le choix il y a quelques mois de ne présenter que les albums reçus en promotion, ceci afin de mettre sur un pied d’égalité les groupes qui faisaient l’effort de nous envoyer leur musique et non, comme certains pourraient le penser, pour faire des économies, car de la musique, j’en achète toujours autant, voire plus qu’avant. Ce choix assumé a été fait en période d’abondance, n’imaginant pas qu’un des principal fournisseur de musique du rock progressif allait nous bouder, ne nous laissant que quelques miettes de la production mondiale, celles dont personne ne veut vraiment.

Le webzine fait l’impasse sur plusieurs grosses sorties, pas forcément les plus intéressantes heureusement, mais celles qui génèrent assurément le plus d’audimat. Par chance, les indépendants, les auto-produits suffisent amplement à notre bonheur musical et nous perdons pas au change, nous écoutons toujours autant, voire plus de bonne musique.

Mais si cela perdure, et cet article risque d’aggraver les choses, nous ne recevrons plus que des albums de niches, dans une musique qui l’est déjà. Cela ne signifie pas que nous ne ferons pas de belles découvertes, cela signifie que les quinze-mille articles lus tous les mois vont se réduire à pas grand chose, car jusqu’à présent, nous surfions sur la notoriété des blockbusters pour éclairer la musique des plus petits.

Nous n’allons pas changer notre manière de penser ni de nous exprimer, la preuve. Certains groupes disparaîtront de nos colonnes (vous avez déjà dû le constater) au profit de nouvelles découvertes, jusqu’à notre retour en grace auprès de certaines maisons de disque, comme cela s’est vu par le passé.

Car la roue tourne.

Nous pourrions également répondre à toute demande de promotion par ce texte lapidaire : « Le magazine n’accepte que les promotions au format physique ou loseless pour les sorties exclusivement numérique. ». Qu’en pensez-vous ?

Le chant des sirènes

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Avez-vous remarqué que les métalleux graisseux dégarnis qui ne se voient plus pisser, boudinés dans leurs blousons noirs, recouverts de tatouages antéchrists, bardés de têtes de morts, de crucifix inversés et de trucs dans les narines, fondent à chaque fois pour la même chose ? les chanteuses de metal…

Marjana, Marcela, Anneke, Tarja, Kate, Annette, Sharon et toutes les autres peuvent chanter deux notes et les gros sont au bord des larmes. Je vous l’accorde, certaines de ces filles possèdent une jolie voix, et il arrive même qu’elles soient en plus plaisantes à regarder, mais quand même !

Les métalleux sont des durs ou des tafioles ? Faudrait savoir ! Mireille Mathieu pousserait la même chansonnette, je suis certain qu’ils lui balanceraient un pack de cro sur sa coupe au bol.

Les minettes elles s’exitent plutôt pour un Bruel ou un Georges Michael, allant jusqu’à jeter leur culotte sur la scène. Si Carlos avait repris ‘Faith’, je pense qu’il aurait reçu des gaines XXL pendant sa tournée. Enfin bon.

Et si en réalité nos hormones commandaient nos affinités musicales ? Qu’en pensez-vous ? Imaginez le drame, la musique ne serait que question de libido. Genres, styles, époques, technicité, harmonies, tout ça ne serait qu’un enfumage pour cacher l’affreuse vérité. Nous ne serions que des organes reproducteurs et nos sens seraient gouvernés non pas pas le cerveau mais notre cortex reptilien. Il suffirait d’une voix aiguë et de quelques rondeurs pour que nous tombions sous le charme d’une chanson.

Moi je suis chroniqueur, je suis donc plus fort que tout cela évidement, je ne me ferai jamais piéger par le chant des sirènes. Mon analyse est toujours lucide, objective, faites-moi confiance. Si tous les albums de Stream of Passion, de The Gathering, de Within Tempation sont fabuleux, cela n’a aucun lien avec le charme fou de leurs chanteuses, ce n’est que du talent.

Parce si je poussais le raisonnement développé plus haut jusqu’au bout, je fantasmerais sur Damian Wilson et Marc Atkinson, et sans être homophobe, cela me mettrait mal à l’aise quand même.

Le fan

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Quoi de plus épouvantable qu’un fan. 

Vous avez écouté le dernier Lazuli ? 

Non parce qu’un fan est une personne qui manque totalement d’objectivité quand on parle de son groupe préféré. 

C’est un concept album. 

J’ai été autrefois un fan de Marillion, achetant tout, m’inscrivant à leur fan club, portant leurs couleurs. 

Ils passeront à trois reprises dans la région, Prateln, Pagney-derrière-Barine, Karlsruhe ! 

Le fan est incapable de discernement. Tout ce qui vient de ses idoles est forcément magnifique. 

En plus les gars sont super sympas, drôle, abordables. 

Le fan peut rester des heures sous la pluie à attendre pour une signature sur un bout de papier, c’est affligeant…

Domi c’est le poète de l’équipe, le troubadour à l’accent du soleil. 

Le fan ne supporte pas que l’on critique ses dieux vivants et il leur voue un culte même bien après leur mort. 

Le livret est magnifique et en plus c’est leur premier vinyle, trop beau ! 

Le fan est capable de suivre son groupe sur une tournée, je vous jure, j’ai rencontré un brésilien venu en Europe pour suivre Marillion partout, même que Hogarth était venu le saluer alors que nous attendions l’ouverture de la salle. Pathétique, comme j’étais jaloux ! 

Lazuli est un des rares groupes de prog à chanter en français et ne me dites pas que c’est parce qu’ils étaient nuls au lycée en langues, c’est juste que la poésie s’accorde mieux à nos sonorités latines, voilà. 

Le pire chez un fan c’est cette manie qu’il a d’adopter la façon de penser, la mode vestimentaire de ses artistes fétiches. 

J’ai tous leurs albums, live compris et leur dernier album, je l’ai même en deux éditions: CD et vinyle. 

Souvent le fan se fait plaquer, car son amour se déplace de sa famille vers ses idoles. 

Sur scène ils sont justes fabuleux, avec leur look, leurs dreadlocks et lorsqu’il présentent leurs chansons, ils ne manquent jamais d’égratigner les intolérants. J’adore. 

Mais il arrive que le fan bascule, du côté obscur (vous avez vu le film avec De Niro ?). Il suffit qu’un jour l’artiste soit fatigué, ce n’est qu’un homme après tout, « Non c’est un dieu », « Oui d’accord, d’accord un dieu fatigué donc », qui ignore ou envoie paître le fanatique, sans penser à mal, juste par lassitude, et c’est le drame. 

La pochette de l’album est belle, le livret magnifique. Mais vous ne trouvez pas qu’il lui manque un truc ? Des petits gribouillis quelque part ? Comme des dédicaces ? Hein ? Hein ! 

Un fan peu se ruiner pour ses idoles, acheter des habits qu’ils ont porté, des papiers qu’ils ont gribouillé, des photographies rares, des éditions limitées signées. 

Moi, moi, j’ai traversé la France pour les écouter, moi. J’ai passé des heures à transcrire une interview avec eux, oui oui, j’ai parlé avec eux nananère et pas vous, si ? Ha, vous aussi ? Des heures à franciser leurs expressions sudistes, à comprendre ce que disait Romain alors que Gédéric déconnait près du micro. 

Le fan frustré peu devenir dangereux, transformant son amour en haine implacable. Toute l’énergie qu’il consacrait à son culte peut soudain être canaliser dans un seul but, la destruction du mythe.

J’adore leur dernier album, mais entendons-nous bien. Je ne suis pas un fan. Un chroniqueur ne peut pas être un fan, c’est incompatible. Et puis il y a longtemps que je ne suis plus fan. Mais là j’ai un vinyle avec un grand livret et plein d’espace où Vincent, Romain, Dominique, Gédéric et Claude pourraient apposer leur signature avec un petit mot du genre « pour Jean-Christophe, notre plus grand fan », alors je vais aller à tous leurs concerts en France et faire le pied de grue, devant leur bus, les suivant aux toilettes s’il le faut, jusqu’à ce qu’ils me signent cette bouteille jetée à la mer que j’ai trouvée sur le bord de la plage.

Merde. Je suis redevenu un fan.

Romain Duris

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J’ai découvert Romain Duris avec le film de Cédric Klapisch en 2002, l’Auberge Espagnole. Si pour plein de raisons non avouables j’avais adoré ce film, je n’ai pas forcément toujours été emballé par l’acteur. Il faut dire qu’avec son sourire de tombeur et son physique d’athlète, il faisait parfois désordre dans le casting.

Et puis je suis tombé sur la série Vernon Subutex, ce disquaire marginal au chômage qui se fait expulser de chez lui un beau matin. Et j’ai découvert un autre Romain Duris, un acteur talentueux, crédible, touchant ainsi qu’une série rock’n’roll.

Sur fond de thriller, la série Vernon Subutex nous replonge dans le rock, l’histoire d’amis de la grande époque, gravitants autour de ce disquaire reconnu en son temps et la mort par overdose d’une rock star française qui faisait son comeback. C’est aussi la descente aux enfers d’un homme qui brutalement se retrouve à rue du jour au lendemain et qui après des squats chez des amis termine sous les ponts.

C’est aussi l’histoire de trois K7 vidéos, enregistrées par Alex, la rock star défunte, dans lesquelles il aurait fait des révélations fracassantes avant de mourir. C’est aussi un livre de Virginie Despentes (auteure que je n’ai jamais lu), apparemment très branché sur l’univers lesbien, ce qui donne l’occasion d’ajouter à l’intrigue principale, celle du disquaire, des récits parallèles et non anecdotiques qui à la fin de la série se rejoignent.

Clairement la série est sexe, drogue et rock’n’roll.Mais c’est surtout un magnifique jeu d’acteur signé Romain Duris, cet homme insouciant, venu d’un monde révolu, qui plonge dans la précarité.

The script

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Un matin, en sortant du lit, m’est venue une étrange idée. Et si je revisitais toute la discographie du groupe Marillion en commençant par Script For A Jester’s Tear et en terminant par FEAR ?

Car après tout, lorsque l’on possède toute la discographie d’un groupe, outre le fait de pouvoir remplir des étagères avec, c’est aussi pour l’écouter de temps en temps. Mais voila, avec mon activité de chroniqueur, webmaster, rédacteur, emmerdeur à neoprog, je trouve rarement le temps pour me replonger dans d’anciens albums. Il y a bien ma discothèque idéale dans laquelle je pioche de temps à autres, les vinyles que j’écoute lorsque j’ai un peu de temps, mais je délaisse trop souvent l’archive musicale cachée dans la cage d’escalier de la maison, faute de place ailleurs.

Donc c’est décidé, je me replonge aujourd’hui dans la discographie de Marillion. Pourquoi Marillion ? Ce groupe fut pendant très longtemps mon unique référence musicale, je ne jurais que par eux, je n’écoutais quasiment qu’eux, j’étais un fan. Aujourd’hui, je ne suis plus un fan, j’ai découvert trop de groupes, d’albums fantastiques et différents pour me fixer sur un seul, même si celui-ci à forgé ma passion musicale.

Ce n’est pas avec Script For A Jester’s Tear que j’ai découvert le quintet anglais, mais avec Fugazy, j’en reparlerai dans un prochain épisode. Mais soyons clair, Script For A Jester’s Tear fut le premier album d’un renouveau musical. Le rock progressif mourut de sa belle mort à la fin des années soixante-dix. Ses titres à rallonge, ses expérimentations de plus en plus hasardeuses, son côté élitiste assumé enterrèrent plus de dix années de création musicale débridée.

Puis un matin, quatre britanniques et un écossais sortirent une galette noire à l’artwork digne des grands albums de Yes et de Genesis : un violoniste arlequin compose dans une chambre lambrissée sous le regard sévère d’un caméléon. Nous sommes en 1983 et le néo-progressif venait officiellement de naître avec six morceaux révolutionnaires, s’appuyant sur les reliques du rock progressif, épicés de metal et d’un chanteur à la voix absolument incroyable, le bien nommé Fish.

Outre l’artwork magnifique signé Mark Wilkinson, la musique riche en claviers vintages et de références à Genesis ainsi que la voix mutante de William Dereck Dick, Script For A Jester’s Tear renouait avec les textes, et quels textes, car le moins que l’on puisse dire c’est que Fish, même s’il fut bûcheron de son état, n’a jamais été un garçon très simple. Des textes torturés, pleins de rage, de souvenirs qui contribueront plus tard au succès planétaire du groupe avec l’album Misplaced Childhood.

Après trente-six années, je trouve que Script For A Jester’s Tear n’a pas pris une ride alors que de nombreux albums de rock néo-progressif sortis après sont devenus très kitsch. ‘Forgotten Songs’ comme ‘Garden Party’ ou ‘Chelsea Monday’ sont aujourd’hui des morceaux cultes que les fans chantent à l’unisson pendant les concerts, laissant Steve Hogarth toujours médusé.

Script n’est pas l’album de Marillion que je préfère mais il figure en bonne position dans mon top et ce fut un grand bonheur que de replonger dedans.

Coup de foudre

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Le chroniqueur de rock est un gars blasé qui a tout écouté, tout éprouvé, tout rencontré. Il ingurgite des tonnes d’albums par semaine, lit des dictionnaires entiers de paroles, trie des centaines de pochettes. Il connaît toutes les arpèges, tous les accords, tous les ponts, touts les refrains, tous les tempos.

Il lui arrive cependant, de temps en temps, dès la première écoute, d’avoir le coup de foudre, de tomber amoureux et d’écrire la critique dithyrambique de l’année, le cinq étoiles, la copie au 20/20, la merveille du siècle.

Mais passé la première année de vie commune, ce mariage peut devenir routine voire désastre. Je vais vous parler de ces coups de cœur qui au fil des mois ont perdu de leurs charmes.

Commençons par le dernier Leprous, Malina. Il a été, comme bien souvent, chroniqué avec une promotion en mp3 et adulé dès la première écoute. Comme je fais souvent dans ce genre de cas, je l’ai immédiatement commandé en édition vinyle et lorsqu’il est arrivé, je n’ai pas retrouvé l’enthousiasme initial. Le master vinyle me semble plat, fade et même le CD manquait de dynamique. Je le reconnais volontiers, il s’agit de des considérations audiophiles, mais il y a certainement également un effet post coup de foudre qui est intervenu dans ce dés amour. Je suis toujours content de découvrir certains groupes avant tout le monde, bondissant comme un cabri, impatient d’en découdre, puis la fête passée l’enthousiasme retombe. Malina reste un très bon album, mais je l’ai sans doute sur-noté à sa sortie.

Je ne suis pas un fan de post-rock, pas plus que de flamenco, pourtant lorsque de Toundra et le chanteur Francisco Contreras ont écrit Para Quienes Aun Viven j’ai grimpé au rideau. J’ai d’ailleurs également le vinyle à la maison. Mais ici, la galette anthracite est à la hauteur de la promotion que nous avions reçue, même mieux en fait, pour le son, un peu comme tous les albums de Toundra qui acquièrent un « grain » en analogique. Même si je trouve l’album toujours très fort, je sais pourquoi je remets peu souvent le vinyle sur la platine. Ce qui m’avait principalement séduit à l’époque, c’était la surprise provoquée par la rencontre de ces deux univers musicaux presque antagonistes. Et bien entendu, à force d’écoutes, la surprise s’est émoussée, donc une partie du plaisir.

J’ai été longtemps un inconditionnel de Neal Morse et de The Neal Morse Band. Aujourd’hui un peu moins. Lorsqu’il a sorti le pavé The Similitude Of A Dream, je me suis beaucoup investi sur cet album, creusant le sujet du livre The Pilgrim’s Progress, me plongeant dans le livret, m’embarquant dans notre première interview téléphonique avec ce monstre sacré du prog. J’ai l’impression que tout cet investissement méritait inconsciemment une chronique cinq étoile. Aujourd’hui, pour ne pas vous mentir, je n’arrive plus à écouter cet album de bout en bout d’une traite.

Il y en a d’autres bien-sûr, mais pas tant que ça heureusement. Plein d’autres restent des pures merveilles, des albums que j’écoute toujours avec autant de bonheur. Je n’en citerai que trois, les moins connus du grand public comme le dernier Karmamoi The Day Is Done, The Franck Carducci Band Torn Appart et l’EP de Wolve Lazare.

Faut-il que je change la note de tous les albums qui après coup me semblent moins bons ou meilleurs ? La question mérite d’être posée. Idéalement, il faudrait plus de recul avant de publier une chronique, donc prendre plus de temps pour écouter, chroniquer moins fréquemment, alterner la chronique avec d’autres albums. Mais voila, la gourmandise est un vilain défaut et nous ne sommes pas très nombreux dans l’équipe alors nous continuerons probablement comme ça. Et puis, seul un imbécile ne change pas d’avis non ?

Rock & Roll Bétaillère

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Plus jeune, je me jetais dans la fosse aux lions, dans ces stades bondés pour écouter Pink Floyd ou Genesis. Trois heures avant le concert, j’étais déjà sur la pelouse, brûlant au soleil, priant pour mes idoles. Des stades, des Zéniths, des Palais des congrès, d’immenses bétaillères aux remparts sonores épouvantables pour des show à grand spectacle. Peter Gabriel à Bercy, Marillion à la Penfeld, des usines à rock où les concerts s’enchaînaient.

Puis, par la force des choses, ayant quitté la Bretagne, puis Paris, je suis descendu en gamme, dans des boites de conserves, où tassés comme des sardines à 1000, collés les un contre les autres, respirant les aisselles du voisin, fumant le pétard de la fille devant moi et sentant l’érection naissante de l’homme dans mon dos, je goûtais au plaisir de la basse de Sting, de la voix de Fish, des claviers de Clive Nolan.

Puis vînt l’âge de la curiosité, où j’eu envie d’écouter autre chose, qu’un sempiternel Marillion, Transatlantic ou Pendragon, envie de sortir des têtes d’affiches, de découvrir d’autres horizons. La période où je commençais également à consommer local, en circuit court et bio, à arpenter les petites salles où des groupes talentueux faisaient, pour certains, leurs premières armes. Des pubs, des bars, de petites salles associatives où vous pouvez déguster une mousse de qualité en écoutant de jeunes talents donner toutes leurs tripes pour une trentaine de spectateurs. Pas de mur de son, pas de rampes d’éclairages, pas de fumigènes mais une proximité unique avec les artistes, une ambiance familiale et des conditions agréables pour découvrir de nouveaux talents.

J’imagine bien que ces artistes rêvent de cinquante-miles spectateurs, d’effets pyrotechniques, d’écrans géants, de champagne, de groupies en folie. Mais pour moi, le vieux fan amoureux de musique, photographe amateur avide de concerts, les petites salles sont devenu mon paradis. Ras le bol des salles bondées, à la rigueur un petit Zénith de temps en temps pour m’offrir une tête d’affiche, confortablement assis au-dessus de la fosse, mais ça, c’est parce que je suis vieux.

Une interview

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Chaque interview est une rencontre. Une rencontre avec un inconnu célèbre. Une trentaine de minutes de face à face, pendant lesquelles chacun doit trouver ses marques et écouter. Tout se fait très vite, après un rapide bonjour, deux banalités, la peur au ventre, face à des monstres sacrés du rock, il faut se lancer, avoir l’air professionnel, ne pas commettre d’impair, être à l’écoute et comprendre le chemin sur lequel veut vous conduire l’artiste.

Le chroniqueur n’arrive pas les mains dans les poches à une interview, il a préparé son travail, la biographie, la discographie, s’est plongé dans le dernier album du groupe, dans les textes. Hélas, il arrive que l’on sache quel personne on va interviewer à la dernière minute et là l’exercice devient délicat, il faut vite se renseigner, ré orienter les questions.

Souvent l’artiste pense que vous connaissez tout de lui et de la musique et vous parle de groupes ou de musiciens dont vous n’avez jamais entendu parler. Le tout c’est de ne pas paraître trop bête dans ces cas là et se renseigner après. Il arrive également que les questions posées dérangent, agacent. Ils faut alors bien lire les signes pour ne pas s’enfoncer d’avantage et ne pas transformer une interview sympathique en enfer.

Il arrive que les réponses soient non publiables, des réponses agacées, des skud lancés en direction d’autres artistes, des réponses à mourir de rire (oui mais s’il te plaît ne publie pas ça), des scoops énormes mais à garder au chaud pendant plusieurs mois car rien n’est vraiment signé.

Dans l’ensemble, nous nous en sommes pas trop mal sorti, même avec mon anglais pathétique.

Une interview c’est une semaine de stress, trente minutes de discussion et quinze à vingt heures de transcription, traduction, relecture et mise en page, tout ça pour moins d’une centaine de vues parfois. Pas rentable assurément. Alors nous avons décidé de n’en faire que pour le plaisir ou pour rendre service.

Mais comment résister à l’envie de rentrer dans l’intimité de la vie des artistes, s’installer dans leur loge, assister à la préparation de leur concert, les entendre parler de sujets improbables, rire, parler de leur passion, la musique, découvrir la personne qui se cache derrière l’icône rock, doubler la file de fans attendant l’ouverture des porte et rentrer dans le saint des saints, sous les regards dégoûtés des groupies frigorifiées par une pluie glaciale qui attendent là depuis des heures ?

Les disparus

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Combien de groupes sont nés d’une bande de copains, plein d’envies, plein d’espoirs ? Installés dans un garage, un grenier, un salon après avoir poussé les meubles, ils ont improvisé, composé, répété, enregistré. Avec leurs économies, il se sont offert quelques heures de studio et un pressage de compact disque à cinq cent exemplaires, réalisant leur rêve de gosses, sortir un album.

Comme tout les autres, ils ont ouvert un compte Facebook, Twitter, Youtube, Soundcloud, Bandcamp afin de promouvoir leur groupe et leur album sur la toile, postant des photographies de répétitions, des événements, des affiches, des extraits sonores.

Un concert dans au café du coin, une prestation à la fête de la musique et les voila qui rêvent déjà du festival de la Lorely. Ils cherchent vainement, de longs mois durant, un  label, un tourneur, des salles qui les accueilleraient, même pour une première partie sans défraiement. Ils envoient leur album à des radios, des magazines puis à des webzines, espérant ainsi se faire connaître un tout petit peu. Les radios jettent le CD sans l’écouter, les magazines font de même. Quelques webzines jettent une oreille à leur création, certains la chronique et le groupe se prend à rêver de gloire.

Les albums se vendent peu ou pas, la famille et quelques copains en achètent pour leur faire plaisir, une ou deux personne à la fin d’un concert, pas de quoi rentrer dans la mise de fonds initiale, à peine de quoi payer l’essence de la voiture. Pourtant la musique est belle, le groupe a du talent et l’envie de faire vivre leur musique.

Désespérés, certains tombent sous les griffes de maisons de disques ou promoteurs peu scrupuleux, qui leur promettent monts et merveilles, empochent leur argent et ne font rien ou pire disparaissent avec la cagnotte. Au sein du groupe d’amis, les tensions deviennent palpables, les conjoints crient à l’argent dépensé en vain, au temps perdu loin de la famille. Les musiciens se rejettent les responsabilités, les mauvais choix, ne veulent plus rouler toute la nuit pour trente minutes de concert dans une salle minable, perdue au milieu de nulle part. Certains se fâchent et quittent le groupe, il faut trouver un nouveau bassiste, un chanteur ou un guitariste et plus rien n’est alors pareil. L’envie n’est plus là. Reste l’amertume. Le rêve s’est brisé.

Certains de ses groupes survivent encore, le temps d’un EP, parfois d’un second album qu’ils ne finiront jamais. Sur les réseaux sociaux, ils deviennent de plus en plus silencieux jusqu’au jour où leur compte disparaît, sans un mot.

Le monde de la musique est impitoyable, très rares sont les élus qui finissent par se faire connaître et par atteindre l’équilibre financier. Nous découvrons des merveilles, et plein d’espoir nous les mettons en avant, mais nous savons bien que très peu d’entre eux survivront au premier album. Et parfois ceux qui restent ne sont pas les meilleurs. Telle est la dure loi du business musical en France.

Respectez nos oreilles !

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Pourquoi faut-il qu’un live, le son soit si fort ? Pourquoi faut-il mettre des bouchons dans une salle étudiée pour un public de trois-cent personnes ? Pourquoi faut-il s’exploser les tympans avec vos basses ?

C’est pour faire plus rock ? Pour couvrir les braillards buveurs de bière ? Pour masquer les imperfections de votre équipement ?

Il existe des salles à l’acoustique épouvantable où l’ingé son pousse le volume pour donner le change, faisant trembler les verres bières, vibrer le sol et saigner les oreilles. Il existe également des lieux acceptables qu’un bon technicien réussit à sonoriser agréablement.

J’ai entendu le pire dans un auditorium classique, le meilleur dans un immense hall en béton et d’honnêtes résultats sous un plafond de deux mètres.

Dans mes meilleurs souvenirs il y a eu Peter Gabriel au Zénith de Strasbourg, un son parfait, sans bouchons, Ray Wilson Chez Paulette, avec un équipement tip top et une équipe très pro. Dans mes pires cauchemars – j’en rêve encore -, Leprous à La laiterie, un mur de basses dans une petite salle pour cacher les faiblesses vocales du chanteur ce soir là et Marillion au Noumatrouff à Mulhouse où les parois en tôle ondulée de la salle servaient de caisse de résonance à tous les instruments. Entre ces extrêmes quelques saignements de nez au Grillen à Colmar et maux de tête à Substage à Karlsruhe.

A qui la faute ? A ces ingés sons vieille école, à ces artistes voulant que ça fasse du bruit ? A ces salles sans acoustique ? A des soundchecks effectués à l’arrache ?

Quand je vois des enfants au premier rang, près des murs d’enceintes, là je fais les photos, qui se mettent les mains sur les oreilles, j’ai peur pour eux. En concert, je porte toujours des bouchons en silicone, -15 Db, moulé à la forme de mon oreille, et même ainsi, il m’arrive d’avoir des sifflements le lendemain de live.

Respectez nos oreilles, ne gâchez pas la musique, pas la peine de pousser le son comme des malades, nous ne sommes pas sourds, enfin pas tous.

Et vous les amateurs de rock, protégez-vous, mettez le préservatif des oreilles.