Le grand monde

Lorsque je mets plus d’un mois à lire un roman, même aussi épais que le dernier Pierre Lemaitre, c’est que manifestement, je n’ai pas été franchement emballé.

Lemaitre poursuit sa saga historique à Beyrouth avec la famille Pelletier. Louis gère une savonnerie prospère et les quatre enfants, devenus grands, quittent un à un le nid pour voler de leurs propres ailes. Jean travaille comme représentant de commerce à Paris, François est censé suivre des études, Etienne part pour Saigon retrouver son amant et la petite dernière va bientôt quitter le lycée.

Lemaitre sait romancer l’Histoire et la première partie du roman, qui se passe en Indochine, sans être palpitante, se lit très bien. Le problème, c’est que sorti de Etienne, les personnages du roman ne m’ont pas touché. Difficile de s’identifier à Louis le patriarche, à Jean, le raté de la famille, à François le journaliste en herbe ou à Hélène la fille rebelle. Joseph est bien sympathique mais ce n’est qu’un chat. 

Une fois que l’histoire a quitté les rues de Saigon pour revenir à Paris, je n’ai plus lu qu’une dizaine de pages par jour, pour m’endormir. Faute de vrai rebondissements dont Pierre Lemaitre a pourtant le secret, je me suis ennuyé dans cette saga familiale et historique. Rien à voir avec l’excellent Serpent Majuscule que j’ai bien envie de relire.

Je trouve que Pierre Lemaitre est un bien meilleur auteur de roman noir que de grandes sagas. Son humour et sa plume incisive se prètent mieux à cet exercice mais manifestement, depuis le succès mérité de Au Revoir Là Haut, éditeurs et lecteurs le réclame dans un autre genre.

Le serpent majuscule

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Il est pour moi Lemaitre du roman noir. Pierre s’est pourtant détourné de ce genre littéraire il y a bien longtemps pour entamer une saga historico thriller couronnée à juste titre par le prestigieux Goncourt.

Et comme il l’explique dans l’avant-propos du Serpent Majuscule, l’écrivain n’est pas près de revenir à cette écriture. Et c’est bien regrettable.

Alors, peut-être pour se faire pardonner, Pierre Lemaitre a publié chez Albin Michel, son premier roman, jamais édité, Le Serpent Majuscule.

Un premier roman est souvent l’ébauche inachevé de l’écriture qui fera le grand écrivain. Il arrive que malgré la fraîcheur, la maladresse de ces premiers mots ne gâche le livre.

Le Serpent Majuscule est tout sauf cela. 

J’ai tout de suite retrouvé la plume de Lemaitre, ses personnages hauts en couleurs, atypiques, vivants (un temps du moins) auxquels le lecteur s’attache immédiatement avant que l’écrivain ne les tue. Et puis il y a ce rythme qui va crescendo et qui au milieu du bouquin vous entraîne vers la fin à toute vitesse, vous laissant chaos au point final. 

Mathilde est une petite vieille rondouillarde qui transpire vite, s’emporte contre son chien. Une ancienne résistante, veuve de médecin qui vit en banlieue parisienne. Une femme sans histoire qui flingue sur commande. Et Mathilde aime les gros calibres qui explosent les parties génitales de ses contrats.

Mais voila, avec l’age, Mathilde perd un peu le sens des réalités, ce qui ne la rend pas moins dangereuse. Bien au contraire.

Le Serpent Majuscule c’est aussi l’histoire d’un dalmatien sans tête, d’un inspecteur de police d’origine russe, d’un commandant de la résistance décoré, d’un ancien préfet, de son infirmière asiatique, de ses deux frères truands, d’un commissaire mangeur de cacahuètes et des multiples victimes de la tueuse à gages. Des personnages esquissés rapidement qui pourtant deviennent réels sous la plume de Pierre Lemaitre.

Le Serpent Majuscule est un excellent roman noir, comme on aimerait en lire plus souvent. S’il vous plaît Monsieur Lemaitre, vous pourriez nous en écrire encore ?

Miroir de nos peines

Pierre Lemaitre termine sa trilogie d’entre deux guerres par un roman sur le début de la seconde guerre mondiale et l’exode qui s’en suivi. A l’aide de quelques personnages, Désiré, Louise, Jules, Raoul et Gabriel, il nous raconte des destins croisés sur fond d’invasion allemande. Désiré, le personnage caméléon, permet à l’auteur de raconter plusieurs facettes de l’Histoire comme le ministère de la propagande ou la gestion des réfugiés.

Pour une fois Pierre Lemaitre ne joue pas la carte des rebondissements et le Miroir de nos peine se lit comme un long fleuve tranquille, dont tous les affluents convergent à la fin vers une église ruinée où se retrouvent les principaux protagonistes du roman.

L’histoire qui débute sur la ligne Maginot, nous conduit à Paris puis sur les bords de la Loire, racontant les débuts de la guerre puis l’exode sur fond de drame familial et secrets longtemps cachés.

Au revoir là-haut reste le meilleur de la trilogie. Couleurs de l’incendie m’avait quelque peu déçu mais Miroir de nos peines, sans être un chef d’œuvre, se lit plaisamment en plus de donner quelques leçons d’histoires aux profanes de mon genre. Un roman parfait pour l’été.

Couleurs de l’incendie

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Avec Couleurs de l’Incendie, Pierre Lemaître raconte la suite de Au Revoir Là Haut, un magnifique thriller sur fond de fin de première guerre mondiale.

Naturellement nous retrouvons des personnages connus comme Madeleine Péricourt, la fille du banquier, qui sera l’héroïne principale du roman.

Lemaître reprend les ficelles du premier tome, des psychologies proches pour des personnages retords, use des mêmes éléments pour nous émouvoir (le handicap) mais ne parvient pas forcément au même niveau que dans Au Revoir Là Haut.

C’est ici l’histoire d’une vengeance, celle de Madeleine qui perd tout en peu de temps, une vengeance complexe et redoutable qui n’épargne aucune des personnes qui l’ont fait souffrir. C’est aussi le roman d’une époque, entre deux guerres, avec la monté du nazisme en Allemagne et de l’extrême droite en France, une plongée dans les univers de la finance, de l’industrie, de l’opéra et de la presse.

Je suis un peu déçu de cette continuation, et pas franchement enthousiaste à l’idée du troisième tome, probablement centré sur Paul, le fils de Madeleine.