Terrasses

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C’est sur la route du sud de la France, dans des embouteillages, qu’à la radio j’ai entendu parler du dernier roman de Laurent Gaudé. Un livre sur les attentats du Bataclan. 

Les romans de Laurent Gaudé sont toujours très forts et je redoutais de me plonger dans ses mots tellement vrais. Pourtant j’ai lu son roman, pour le souvenir.

C’était le 13 novembre 2015. Je me souviens bien de cette date car le lendemain j’étais dans une petite salle de concert en province et que l’émotion était vive parmi les artistes et le public. Quelle étrange soirée partagée entre la joie de la musique et le deuil !

Dans Terrasses Laurent Gaudé emprunte les voix des parisiens assis dans les cafés, celles des fans de Eagles of Death Metal, des supporters de foot, des badauds, des policiers, des ambulanciers, des infirmiers, des amoureux entraînés bien malgré eux dans cette nuit d’horreur. Des centaines de voix et de cris anonymes au milieu des tirs de Kalachnikov et des sirènes de secours.

Le roman fonctionne au rythme de toutes ces voix qui rêvent d’une belle soirée d’automne, d’un verre en terrasse pour terminer la semaine, d’un rendez-vous tant attendu, d’un concert. Et puis tout bascule dans l’horreur, l’horreur du hasard qui décide de celui qui va vivre et celui qui va mourrir. 

Un livre qui chapitre après chapitre déroule cette nuit interminable pour les victimes comme pour les secours et qui s’achève par l’après, lorsque la vie doit reprendre ses droits traînant derrière elle le poids du souvenir et de la perte.

N’en doutez pas Terrasses est difficile à lire. Si 128 pages sont peu de mots, il faut souvent reprendre son souffle entre les courts chapitres. Il faut même parfois faire des pauses. Mais c’est un roman fort comme les faits qu’il raconte. Alors lisez le.

La Porte des Enfers

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Je ne vous cache pas que cela faisait trop longtemps que je peinais sur des livres médiocres. Il était temps que je renoue avec la littérature. Un Laurent Gaudé emprunté par mon épouse à la médiathèque trainait négligemment sur la table, me narguant alors que je m’ennuyais sur le dernier tome d’une trilogie de science-fiction. J’ai retiré le marque page du gros pavé de 1500 pages et me suis emparé de La Porte des Enfers. Ma femme ne protestant pas, j’ai commencé sa lecture. Le lendemain, je l’avais dévoré.

Tout commence par un fait divers à Naples en 1980. Un père conduisant son fils à l’école est pris dans un fusillade. Le petit Pippo âgé de six ans meurt et l’univers de ses parents s’effondre brutalement. La même année, un tremblement de terre ravage la ville et l’enfant revient parmi les vivants.

La Porte des Enfers est l’histoire d’un drame ordinaire, d’une vengeance et un conte fantastique à la manière de l’enfer de Dante. Un père traverse le Styx pour ramener à la vie son enfant fauché par une balle perdue. 

C’est également l’histoire de Naples, la ville bruyante, crasseuse et tellement vivante qui se dresse au pied du Vésuve. C’est un roman que Laurent Gaudé a écrit pour ses proches disparus. Un livre raconté à deux époques, en 1980 lorsque le petit garçon trouva la mort et en 2002 lorsqu’il vengea son père. Un voyage en enfer, dans le monde des vivants et celui des morts.

Un incroyable roman que l’on dévore en quelques heures, un récit brutal et fort comme beaucoup des livres de Laurent Gaudé

Chien 51

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La Grèce s’est effondrée. Elle a été rachetée par une multinationale. Les habitants d’Athènes comme Sparak sont devenus des employés citadins. 

Après la Grèce, les autres nations de la planète ont peu à peu été rachetées.

Les élections battent leur plein sous le dôme climatique de Magnapole. Qui sera le nouveau conseiller ? Kanaka ou bien Barsok ? L’homme de la zone 1 ou le populiste qui veut abolir les frontières entre les zones.

Sparak, le policier de la zone 3, celle des parias, mène une enquête pour meurtre avec Salia une enquêtrice de la zone 2, celle des privilégiés. Une enquête qui les conduira au paradis des élites, la zone 1, celle de tous les privilèges.

Laurent Gaudé nous plonge avec Chien 51 dans un roman policier futuriste désespéré. Le climat a fini par devenir fou. La société est revenue au système des castes. Les nations n’existent plus et les hommes, inféodés, trahis, vendus, n’ont plus d’espoir. 

Avec cette enquête Sparak va replonger dans ses souvenirs, la femme qu’il a aimé, la chute de la Grèce, sa trahison, l’exode. Il va découvrir ceux qui ont contribué comme lui à l’effondrement de son pays. Un roman sombre, désespéré, qui donne un éclairage terrible sur un futur possible de notre monde.

Ce n’est pourtant le roman de Laurent Gaudé que je vous recommanderai. Je ne suis pas vraiment rentré dans son monde pas plus que je n’ai cru à ses personnages. Lisez plutôt Le Soleil des Scorta, La Mort du Roi Tsongor ou le magnifique Eldorado.

Salina

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Se plonger dans les mots de Laurent Gaudé relève à chaque fois de la magie.  

Avec Salina, l’auteur nous entraine, comme dans La mort du roi Tsongor, dans l’histoire d’une vengeance, celle d’une femme chassée de son village parce qu’elle n’aime pas le bon frère. 

Salina est également un roman initiatique où le fils conduit la mère vers sa dernière demeure, retraçant pour les vivants l’histoire de cette femme pleine de colère et d’amour. 

Le roman prend place dans les somptueux paysages désertiques d’Afrique, au milieu de tribus qui se livrent une guerre éternelle, où les hyènes et les vautours se disputent les corps des vaincus.

La magie règne sur ces terres arides avec l’évocation du second fils de Salina qui se battra contre Saro et les vertèbres du roi éparpillées aux quatre coins du désert, sans lesquelles la dépouille ne trouvera jamais le repos.

J’aurais bien passé quelques pages de plus avec Salina et son histoire car le roman de Laurent Gaudé possède presque le format d’une nouvelle et se retrouve trop vite terminé.

Pour seul cortège

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Encore un Laurent Gaudé me direz vous.

Décidément j’aurai lu de nombreux livres de cet auteur en peu de temps. Cette fois, l’auteur nous plonge dans un roman historique, évoquant la fin du règne de l’empereur Alexandre.

Pour tout vos avouer, je ne suis pas un passionné d’histoire. Parlez-moi proto-histoire, d’âge de bronze, de la civilisation celtique, je suis votre homme. Mais pour le reste, ce ne sont pas des lacunes, mais des abîmes, de puits sans fond.

J’ai pris le bouquin, parce qu’il trônait, solitaire sur notre bibliothèque et que l’auteur m’a toujours enchanté par son style. Lorsque j’ai commencé sa lecture, j’ignorais quel en était le sujet. Mais dès les premières lignes j’ai compris qu’il s’agissait d’un roman historique d’un genre très particulier, puisqu’il s’attache à la fin d’Alexandre le Grand. Alexandre meurt et sa dépouille va partir d’Alexandrie pour un long voyage. La chute d’un puissant laisse place à la curée, les anciens frères d’armes d’Alexandre se partagent l’empire, se battant pour les meilleurs morceaux, pendant que le cortège funéraire traverse le royaume.

Le rythme est lent comme la marche du cortège, les phrases magnifiques, le récit fantastique. Les morts parlent aux vivants alors que l’empire se délite et que le cortège avance avec sa cohorte de pleureuses. Un roman sur la mort, sur la fin d’une époque, sur le pouvoir. Un homme sans tête, un empereur qui parle dans son sarcophage, une épouse de rois qui se donne la mort pour mieux protéger son enfant.

Pour seul cortège, donne envie de découvrir le règne de cet empereur qui ne vécu que trente-deux années.

Ecoutez nos défaites

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Je vous ai déjà parlé de Laurent Gaudé, un écrivain français que j’apprécie beaucoup. Après avoir dévoré Eldorado, je passais chez mon libraire et tombais sur son dernier roman, Ecoutez nos défaites. Après quelques pages fébriles, je me rends compte que ce livre ne sera pas aussi aisé à lire que les autres.

Cinq récits allant de l’époque romaine à aujourd’hui, de Carthage aux Amériques, se mêlent dans ce roman où la guerre est l’épine dorsale. Hannibal, Négus, Grant, une archéologue et un soldat français des opérations spéciales se racontent dans les pages de Laurent Gaudé.

Daesh, Kadafi, Scipion, Oussama Ben Laden, le général Lee, Mussolini, la guerre est partout, de toutes les époques, monstrueuse, sanguinaire.

Une figurine volée de dieu égyptien, passe de main en main, un agent américain décide de jeter son tablier ensanglanté, Hannibal franchit les Alpes avec ses éléphants, Négus fuit son royaume et se réfugie en Grande Bretagne.

Le propos du livre est lourd, violent, décrivant la guerre sans concession. L’auteur parle au nom des vainqueurs, bouchers, vaincus, victimes, soldat, rois, lieutenants. La guerre est partout mais l’humanité résiste quelque part dans le récit, sous la forme d’une histoire d’amour à rebours, entre une archéologue et un soldat français, la rencontre d’une nuit.

Ecoutez nos défaites n’est pas une lecture de tout repos, le roman vous met mal à l’aise malgré sa narration morcelée, ou peut-être à cause de cela justement. L’écriture de Laurent Gaudé ne souffre d’aucun reproche et sa perception des guerres qu’il décrit fascine. Un roman difficile, passionnant et bouleversant.

Laurent Gaudé

J’ai découvert cet auteur français il y a quelques années, presque par hasard, avec son livre ‘La Mort du Roi Tsongor’, un récit fabuleux sur un vieux rois et le déclin de son royaume. Quelques années plus tard, mon épouse m’a conseillé le ‘Le Soleil des Scorta’, une autre merveille dans un genre très différent et dernièrement, ma pour mes 51 ans, elle m’a offert ‘Eldorado’ du même auteur.

Décidément, le style et les thèmes abordés par Laurent Gaudé font de lui un brillant écrivain. Cette fois, avec Eldorado, il s’attaque au délicat sujet de migrants. Un livre écrit en 2007, et qui dix ans plus tard, se trouve être plus d’actualité que jamais. A travers deux récits parallèles qui se rejoignent à la fin autour un collier de perles bleues, l’auteur nous raconte une aventure humaine cruelle où la vie ne tient qu’à un fil et où l’argent règne en maître. L’histoire d’un capitaine de navire qui récupère les migrants en mer et celle d’un jeune homme qui fuit son pays pour gagner l’Eldorado européen. Ce n’est qu’un roman bien sûr, mais il donne un tout autre éclairage sur ces « étrangers aux téléphones portables » qui abandonnent tout, famille, maison, travail, renonçant parfois à leur humanité, affrontant maints périls pour fuir la guerre, la dictature et atteindre l’île de Lampedusa où ils seront enfermés dans des camps, dans l’attente, hypothétique de papiers pour l’Europe ou d’un retour chez eux.