Carcariass – Planet Chaos

Une fois encore, je dois la découverte de Carcariass à Stéphane Gallay et ses chroniques musicales. Il était tombé sur le groupe lors d’un concert à l’Usine et avait ensuite fait la retape de leur album Planet Chaos.

Carcariass est un quatuor franc-comtois de death metal progressif qui existe depuis 2009 devenu quintet depuis peu et qui vient de sortir leur nouvel album Afterworld le 3 mars dernier. On y reviendra.

Mais comme Stéphane, je vais d’abord vous parler de Planet Chaos sorti en 2019. Pour quelle raison ? Tout simplement parce que cet album est une tuerie.

Le projet est porté par Pascal Languetin qui compose et joue des guitares heavy et des claviers progressifs. Il y a également de la double pédale frétillante en la personne de Bertrand Simonin assis sur le tabouret et une basse bien présente tenue par Raphael Couturier.

Malgré un artwork assez gore, Planet Chaos se révèle être un concept album futuriste plus proche du metal progressif que du death. Ok, le chanteur Jérôme Thomas use et abuse de growl caverneux mais sur les treize morceaux que comporte le disque, il y a de nombreux instrumentaux.

Écouter Carcariass, c’est un peu comme plonger dans un album de Ayreon musclé qui se serait concentré sur les guitares. Vous voyez le genre ? Les morceaux vont de trois à huit minutes pour le plus long, offrant une heure neuf d’écoute. Alors installez-vous confortablement.

Après avoir saccagé leur planète, les humains s’exilent vers un autre monde et comme l’échec se résumerait à l’extinction de la race, l’espèce est transformée génétiquement pour réussir coûte que coûte.

Evidemment cela se passe très mal comme en témoigne le titre ‘Letter From The Trenches’, inspiré par des lettres de soldats de la première guerre mondiale.

Carcariass arrive, malgré un métal musclé, à rendre très mélodique cette heure science-fictionnesque, sans doute grace aux pauses instrumentales, aux claviers et à des refrains très bien fichus comme dans ‘Psycotic Starship’. 

Certes Carcariass n’y va pas avec le dos d’une cuillère. Pour la musique méditative, vous attendrez la prochaine chronique. Le growl n’arrange rien à l’affaire et l’abondance de guitares et de claviers ne calme pas vraiment le jeu. Il s’agit pourtant d’un death metal très mélodique (oui je sais, il y a une petite contradiction dans la phrase). L’écriture très progressive de Planet Chaos pourrait séduire plus d’un baba cool maqué à une métalleuse.

Planet Chaos s’achève par un morceau instrumental épique de presque neuf minutes. Une pièce magistrale, parfaitement maîtrisée, riche en rebondissements, qui devrait vous en boucher un coin, même si vous êtes un vieux con blasé comme moi.

Si Carcariass n’est pas un des grands noms de la scène metal française, ils font preuve d’un évident savoir faire dans le death metal progressif avec Planet Chaos et si leur nouvel album Afterworld est plus direct, il prouve par sa maîtrise que Planet Chaos n’était pas juste un miracle isolé dans leur carrière. D’ailleurs on devrait y revenir bientôt. En attendant, vous pouvez les écouter sur Bandcamp.

Plus 33 – Open Window

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Lors du concert de Out5ide le vendredi 13 janvier, Philippe Rau, guitariste du groupe, m’a parlé du projet Plus 33 qui prépare un second album sur lequel il joue. Un album de rock progressif instrumental quatre titres, tout ce qu’il fallait pour titiller ma curiosité.

Alors je suis allé écouter leur premier effort, Open Window, sorti en 2020 et disponible sur Bandcamp.

Plus 33 est le projet du claviériste Didier Grillot accompagné ici de Lloyd Wright à la guitare, Paul Susan à la basse, Dave Wilde au saxophone et flûte et Adam Sinclair à la batterie. Didier fut le claviériste du groupe Outside jusque Freedom en 2002. C’est donc naturellement que de retour en France, il s’est tourné vers Philippe pour jouer les guitares sur le prochain album.

Mais parlons de Open Window en attendant le prochain album. Un disque cinq titres d’un peu moins d’une heure, cent pour cent instrumental qui décline les quatre éléments en musique plus un épilogue. Côté style, il s’agit d’un prog instrumental atmosphérique parfois jazzy dominé par les claviers où pointe parfois du piano classique comme dans le troisième mouvement de ‘Water’ et dans ‘Epilogue’.

‘Water’ s’ouvre sur un mouvement jazzy contemplatif et se poursuit sur un chant de baleines à la guitare rapidement remplacé par le saxophone, le piano et la flûte traversière. Toujours liquide, la musique se fait impressionniste au piano, dévoilant tout le talent de Didier Grillot sur cet instrument. 

Le quatrième mouvement est quant à lui nettement plus dans la veine du rock progressif symphonique avec force de claviers et guitare. Du prog seventies avec quelques accents Road 66 à la guitare. Des eaux plus tumultueuses on va dire. Puis ‘Contemplation’ nous offre une accalmie liquide, une plongée sous la surface à la manière du Grand Bleu.

L’album nous ramène ensuite sur la terre ferme avec le premier des trois chapitres de ‘Earth’. Un retour à la fusion sur du piano électrique, de la batterie, de la basse, de la guitare, un saxophone dans tous ses états et des claviers pour terminer. La ‘Douce Ivresse’ se joue à la flûte traversière et aux nappes de claviers, un je ne sais quoi de l’Heptade d’Harmonium, juste divin. Le troisième mouvement, ‘You, Us, Them’, se pare de guitare acoustique, de flûte, de piano et de notes graves de synthés dans la continuité de la piste précédente, mais cette fois de nuit.

C’est avec le feu que se poursuit Open Window, une première pièce progressive un peu orientaliste où claviers et guitares mènent la danse. Le second et dernier mouvement du feu est rock expérimental et psyché, un pur bonheur !

Le quatrième et dernier élément est l’air en deux mouvements. Le premier est planant et très cinématique, tout aux claviers de Didier façon Vangelis et le second, très cool également est plus dans un mood hawaïen.

Open Window s’achève par un épilogue de plus de cinq minutes qui revient à la musique impressionniste pour finir façon piano bar.

L’album contient de très beaux passages et d’autres plus classiques. Un instrumental varié entre jazz, prog, classique et atmosphérique joué par des musiciens talentueux qui s’écoute et se réécoute avec bonheur. Vous pouvez le découvrir sur Bandcamp.

The Dali Thundering Project – All Mighty Men – Drifting Through a Prosthetic Era

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Avertissement : si vous n’aimez pas le slam, si vous vomissez le djent, si l’indus vous donne de l’urticaire, si le growl vous fait gerber, alors passez votre chemin. Aujourd’hui ça va faire mal.

Luc, le plus ancien et le plus jeune des chroniqueurs de Neoprog – cherchez l’erreur – m’a recommandé dernièrement l’album Savages du groupe de metalcore français The Dali Thundering Concept. Comme dit justement, Luc est jeune, je pourrais être son père. 

D’ailleurs, Luc ! Je suis ton père…

Il est plein de fougue et chroniquait les promotions les plus improbables de Neoprog avec une plume acérée. J’ai essayé Savages, mais contrairement à Luc, je n’ai jamais été vraiment fougueux et ma jeunesse est loin derrière mes rhumatismes. Savages m’a semblé intéressant mais clairement trop sauvage pour mes chastes oreilles.

Cela ne m’a pas découragé pour autant, car j’adore le djent. Un soir, j’ai écouté le dernier album du groupe All Mighty, Men – Drifting Through a Prosthetic Era sorti en janvier 2022, un disque dix titres pour seulement trente-six minutes. 

L’écoute du premier morceau a suffi à me convaincre, j’ai commandé le CD, en priant pour que le reste soit du même tonneau. En réalité, la suite est encore meilleure.

Le groupe est un quatuor français qui mélange allègrement sur dix pistes djent, metalcore, slam, néo classique, électro, growl tout en parlant d’écologie en anglais. Autant dire que ça pique, surtout pour un vieux schnock comme moi. Ca pique oui, mais c’est juste génial.

La pochette représentant un visage brisé au milieu tenu par deux mains sculptées dans le plâtre a immédiatement attiré mon attention, une superbe accroche comme le morceau d’ouverture. L’album est un concept sur l’humanité, le futur et l’écologie : “God is dead, long live man, all mighty men.”.

Quatre instrumentaux aèrent le growl et le slam torturé. Le disque existe d’ailleurs également en édition instrumentale pour ceux qui n’aiment pas le chant crié. 

‘God Is Dead’, qui m’a donné envie de plonger, dans l’album explore l’électro cinématique sur un voix vocodée, virant ensuite au djent symphonique grandiloquent sur des orgues d’église avec, pour finir, des chœurs hurlés. ‘Styx’ donne dans le néo-classique au piano et violon un peu tzigane, une accalmie salutaire après le violent ‘Lost In Transaction’. ‘Serenading Silence’ propose deux minutes trente-neuf secondes de Plini avec une guitare lumineuse et des petites notes claires métronomiques. Le très court ‘Alone’ joue du cinématique à la Vangelis, des accords sombres qui sonnent dans l’immensité noire et qui vont crescendo pour ouvrir le djent de ‘Enter The Limbo’.

Et puis il y a des surprises comme le ‘Long Live Man’ qui use de slam avant de se déchirer les cordes vocales sur du métal prog djent symphonique. C’est violent, mais quelle claque ! Que dire de ‘The Sea Starts Here’ aux accents orientaux où un growl carrément caverneux, limite goret, écrase un djent metalcore avant de revenir à un rap de souk. N’oublions pas le dernier morceau, ‘Candid Monster’ au chant clair sublime, slam et musique cinématique qui conclut ces trente-six minutes spectaculaires en douceur, enfin, presque.

Nous serions encore en 2022, je vous dirais que je viens de trouver mon album de l’année, parce sincèrement, All Mighty Men – Drifting Through a Prosthetic Era est juste extraordinaire. Je ne peux que vous recommander The Dali Thundering Concept. Il est sur Bandcamp, en version instrumentale également et vous trouverez aussi Savages dans lequel je vais me replonger avec plus de sérieux.

Lazuli – Onze

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Voici ONZE, le onzième album de Lazuli écrit pendant le COVID-19, vous savez cette mauvaise grippe qui dure et perdure et qui a rendu la moitié de la population mondiale à moitié dingue.

Deux vinyles glissés dans une double pochette émeraude ornée de l’abeille qui rôde abritent onze morceaux auxquels Lazuli ne nous avait pas forcément préparé. 

Si les musiciens restent fidèles au poste et que les mots sont toujours signés par Dominique, quelque chose à changé. La préface, au début du livret, éclaire assez bien sur l’état d’esprit qui a donné naissance à cet album, ‘une mélancolie, un spleen, une grisaille’ pour emprunter les mots de Domi.

Les paroles de ce onzième album véhiculent beaucoup de la dépression de ces mois confinés, oubliant presque les coups de gueule d’une époque pas si lointaine même si ‘La bétaillère‘ n’y va pas avec le dos de la cuillère. La musique, elle, explore de nouveaux horizons plus symphoniques et même pop rock, revenant parfois à des épures acoustique dans le style de ‘Les mots désuets’. Arnaud apporte dans son bagage de nouveaux sons de guitare et certains arrangements rapprochent Lazuli d’un Marillion francophone comme dans ‘Pleureur sous la pluie’.

Ma première impression, passée la frénésie du déballage, est assez mitigée je l’avoue. ONZE se révèle déstabilisant, très différent du fabuleux Dieter Böhm.

Il y a des titres qui font mouche dès la première écoute comme le fabuleux ‘Parlons du temps’ ou encore ‘Sillonner des océans de vinyles’ et ‘Le grand vide’. D’autres sont nettement plus déstabilisants. Je pense à ‘Égoïne’ aux influences trop americana à mon goût pour Lazuli et ‘La bétaillère’ un chouïa too much dans ses arrangements grandiloquents.

Et puis il y a des morceaux qui me laissent insatisfait, ‘Triste Carnaval’ au double récit obscur et au final instrumental pas très convainquant et ‘Pleureur sous la pluie’ qui possède une construction assez improbable et au solo de guitare qui en fait vraiment trop. ‘Les mots désuets’ réduit à une guitare et le chant aurait à la rigueur sa place dans un album acoustique, même si placé avant le bruyant ‘La bétaillère’, nous évite l’indigestion sonore.

Je suis fan de Lazuli depuis la découverte de 4603 Battements il y douze ans. Hélas avec ONZE, je ne retrouve pas le groupe que j’aime tant. L’album s’écoute très bien, certains textes font mouche, mais j’étais habitué à mieux. 

Alors je sais que vous allez me tomber à bras raccourcis dessus, d’ailleurs j’ai hésité à publier cette chronique, en partie par amitié pour les membres de Lazuli que j’adore et pour les coups que je vais me prendre, mais ONZE, le nouveau Lazuli me laisse de marbre. Cela ne m’empêchera pas d’aller les écouter Chez Paulette le 3 juin prochain, car en live, Lazuli c’est toujours magique.

anasazi – cause & consequences

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Vous parler de cause & consequences, le dernier album d’anasazi, est à la fois simple et compliqué. Simple, parce que j’aime beaucoup l’album, compliqué, parce que je suis un fan de la première heure du groupe et que mon nom figure dans les remerciements du CD.

anasazi, en minuscules, qui se prononce anaSSAzi, est un projet né à Grenoble dans l’appartement de Mathieu Madani, disquaire et fan absolu de Dream Theater. A ses côté de nombreux musiciens ont gravités plus ou moins longtemps, Frederic Thevenet, Christophe Blanc-Tailleur, Romain Bouqueau, Jean-Rosset et plus récemment le guitariste Bruno Saget qui joue également dans Croak et Anthony Barruel batteur du groupe Collapse sans parler des artistes invités comme son épouse ou Tristan Klein.

Au fil des années, des influences et des albums, anasazi a flirté avec la pop, le metal et le rock alternatif, mais toujours de manière progressive.

cause & consequences est leur sixième album sans parler des trois EP, un beau palmarès pour un groupe amateur grenoblois. Soixante-trois minutes et huit morceaux, certainement les plus anasaziens de leur discographie. Le virage était déjà amorcé sur ask the dust en 2018 mais cause & consequences enfonce le clou.

Il ne s’agit pas ici d’influences à la Dream Theater comme dans origin’s ou à la Porcupine Tree dans playing ordinary people, il s’agit d’anasazi. cause & consequences est un album à guitares sur la voix éraillée de Mathieu. Les claviers ne sont ici qu’accessoires d’ornementation. Les grattes jouées par Mathieu, Bruno Saget et Tristan Klein sont au cœur de la musique avec la batterie d’Anthony.

L’album sonne clairement plus rock que prog, souvent rageur, torturé, déchiré, écartelé mais avec quelques éclaircies et même des réminiscences de Pink Floyd comme dans ‘space between’ sans parler du titre fleuve qui clôture le disque. Les ritournelles magiques des premiers albums, celles que l’on pouvait fredonner, disparaissent avec cause & consequences et il faudra une ou deux écoutes pour adopter ce nouvel anasazi.

cause & consequences s’écrit à l’envers, libérant la vapeur lentement au lieu de monter en pression. Vous prenez son atmosphère toxique à plein poumons et lorsque ses gaz brûlants et corrosifs commencent à vous asphyxier, un courant d’air tiède vient soulager votre gorge.

‘trapped’ démarre l’album sur une charge de guitares tempérée de rares accalmies à la basse et au chant. Une mise en bouche stoner metal dense et rugueuse que les paroles n’allègent pas, bien au contraire. 

Bienvenue dans l’univers d’anasazi.

‘324’ est plus récitatif même si Mathieu sort de gros riffs entre les couplets sans parler du long instrumental rageur où s’élève un solo de guitare signé Bruno Saget. Dans ‘death is (her) name’, c’est Tristan Klein qui joue du manche. Le titre, porté par une section rythmique très marquée, chemine cependant de plus en plus vers le progressif expérimental. Par contre, oubliez tout espoir, l’album s’enfonce dans la noirceur.

‘exit live’ atteint presque le sommet de ce vol parabolique. Les riffs rageurs sévissent encore mais une guitare électro acoustique s’invite dans la tempête comme l’orgue joué par Tristan. Et puis arrive ‘disheartening’, le titre le plus épuré de cause & consequences où le travail d’Anthony prend sa pleine mesure sur ces premiers couplets percussions, guitares et chant presque parlé.

‘into the void’ est doucement rattrapé par la pesanteur après un semblant de légèreté dans les premiers instants. Mais le calme floydien renaît avec ‘space between’ au sublime solo de guitare signé Tristan.

Un de mes morceaux préférés avec ‘disheartening’ et ‘the mourning’, la pièce progressive de l’album avec ses treize minutes aux multiples rebondissements qui relie tous les morceaux de cause & consequences.

anasazi est de retour, plus guitares que jamais, torturé et magistral. Il faudra sans doute consentir un effort pour rentrer dedans, ici pas d’easy listening au programme, alors poussez le son, revenez-y plusieurs fois, toujours d’une traite et vous réussirez à apprivoiser cette créature fantastique que vous pouvez écouter sur Bandcamp.

Collpase – Anagke

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J’ai beaucoup tardé à vous parler du dernier Collapse pour plusieurs raisons. Je venais de chroniquer Ticket To The Moon lorsque leur CD est arrivé et parler de deux albums de post-rock coup sur coup est au delà de mes forces. Ensuite le fourbe Alias m’a coupé l’herbe sous le pied alors j’ai boudé. Enfin et surtout, j’attendais l’arrivée du vinyle pour vraiment plonger dedans.

Le quatuor instrumental vient de la région grenobloise, véritable pépinière à talents pour la mouvance progressive. Anagke est leur quatrième album depuis 2011. Neuf titres pour cinquante-trois minutes sans parler de la face B de la seconde galette qui propose trois pièces enregistrées en live en 2018.

Le groupe hésite entre metal, post-rock, alternatif et progressif selon leurs envies. Cette fois Anagke tend vers un post-rock cinématique progressif parfois inspiré de Porcupine Tree.

La première chose à signaler sur ce vinyle, c’est le pressage de grande qualité doublé d’un mixage très soigné. Rien à voir avec le 45 tours A Song Of Death, A Song Of Pain, de Marcela Bovio complètement écrêté dans les aigües. J’ai eu plus de plaisir à écouter les deux galettes qu’à passer le CD sur la chaîne, sauf peut-être pour la face enregistrée en live qui pâtit d’une prise de son de moindre qualité. Mais étant donné que c’est un bonus, je n’allais pas faire la fine bouche.

La pochette m’évoque un ruban de Mobius doré, un ver de sables et le conduit de la climatisation de l’appartement de Sam dans le film Brazil de Terry Gilliam. Après, à vous de voir. Mais je ne pense pas que Julie,l’illustratrice de l’album, aie vraiment songé à ça en réalisant l’artwork.

Deux ingrédients, sonores cette fois, m’ont beaucoup séduit : l’usage d’orgues dans ‘Anima Anceps’ et les voix enchevêtrées de ‘2 = 8’. 

Avec le titre album, Collapse semble rendre un hommage à Porcupine Tree qui renaissait de ses cendres en 2022. Le groupe joue beaucoup de sa section rythmique ce qui le rapproche souvent de la bande à Wilson. Une basse qui dialogue avec la batterie et sur lesquelles guitares et claviers brodent sans cesse de superbes canvas. Mais la tendance générale est plutôt cinématique comme avec le dernier morceau intitulé ‘My Hoa’.

Les morceaux se construisent autour d’un thème principal qui sert de colonne vertébrale à la musique. Parfois, comme par exemple dans ‘Yokai’ ou ‘Belle de Nuit’, la musique tourne cependant un peu en rond. Cela fait le charme mais également la faiblesse de ce style musical, raison pour laquelle j’en écoute à dose homéopathique, même si certains disent que ça ne soigne rien. C’est également une manière d’installer des ambiances sonores confortables dans le salon avec de temps en temps des montées en puissance qui relancent la machine. Le genre d’album que je vous recommande de ne pas écouter en sourdine.

Anagke n’est pas un disque qui tourne en boucle sur ma platine. Il convient parfaitement à certains moments privilégiés, lorsque j’ai besoin de me retrouver avec moi-même. Je vous recommande chaudement le vinyle même si vous pouvez l’écouter sur Bandcamp.

Hypnagone – Qu’il Passe

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Si vous appréciez Gojira et Klone et que êtes un peu chauvin, difficile de passer à côté du premier album du jeune groupe français Hypnagone.

Le quatuor metal progressif n’a pas froid aux yeux. Il mélange growl, atmosphères floydiennes, influences jazzy, chant clair, cinématique space rock et metal. De fait, l’album intitulé Qu’il Passe, séduira forcément un prog head pendant au moins quelques minutes, quitte à l’effrayer un peu à d’autres moments. Et des moments, il va y en avoir beaucoup pendant plus d’une heure et onze morceaux. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’album n’a rien de monotone. Cela va en effet du très planant ‘Moss’ au ‘White Fields’ écartelé.

Voilà plus d’une année que j’attendais la sortie de Qu’il Passe, après avoir découvert leur single ‘Shibboleth’ sur Youtube. Si ce premier titre m’avait emballé, j’avoue qu’il m’a fallu pas mal de temps ensuite pour apprivoiser l’album.

Parce que voilà, Hypnagone se vautre parfois dans le metal extrême et le growl est tout particulièrement goret, limite s’il ne déchire pas les tympans comme dans ‘White Fields’. ‘Spannungsbogen’ est également pas mal dans son genre question gueulante mais il est à classer à part, tant son écriture est juste géniale, limite expérimentale avec même des passages de chant clair.

Il y a également ‘Dross’, truc assez barré, metal jazz cinématique growlé, que l’on aurait tendance à rejeter au premier contact et qui s’avère au final incroyablement complexe et perturbant. Mais comme le titre précédent, il est génial.

Heureusement pour vous, les titres extrêmes alternent avec des choses nettement plus mélodiques qui atténuent pas mal la violence de la musique comme dans ‘The Step Inward’ qui succède au terrifiant et génial ‘Spannungsbogen’.

Plusieurs pièces flirtent avec les huit minutes, des longs formats très progressifs qui laissent du temps à la musique de prendre sa pleine mesure. L’album est encadré par deux instrumentaux façon post-rock, ‘Arrival’ et ‘Light Bulb’, une habile manière d’entrer en matière et d’en ressortir en douceur.  A tel point que l’on se demande, à la fin de ‘Light Bulb’, pour quelle raison on se retrouve avec des ecchymoses aux oreilles. Du coup, on repart pour un tour, et arrivé à ‘Spannungsbogen’, on se souvient.

N’oublions pas le troisième instrumental ‘Elegy’ qui fait suite à l’éprouvant ‘White Fields’. Une pièce de moins de trois minutes sur des enregistrements audio en français. Pas mal de morceaux jouent de compromis. Le chant clair et le growl se partagent équitablement le temps de parole comme dans le titre ‘The Step Inward’ et cela rend l’écoute nettement plus facile pour un prog head.

Mais surprise, au milieu de l’album pousse un arbre, un titre jazzy à souhait, sorte de parenthèse au milieu de cette tempête de métal où brille un sublime solo de guitare d’anthologie signé Eric Hurpeau.

Il y du pour et du contre sur ce premier album du groupe Hypnagone. Le growl phagocyte un peu trop la partition pour l’ancien baba cool que je fus et si je n’ai rien contre les cris, ici je suis moyennement fan du timbre. Après, il y a des compositions éblouissantes comme ‘Shibboleth’, ‘Spannungsbogen’, ‘Dross’ ou ‘L’arbre’, alors si le growl ne vous fait pas peur, allez y jeter une oreille attentive il est sur Bandcamp

Solace Supplice – Liturgies Contemporaines

Du temps du webzine Neoprog, Anne Claire Rallo nous avait présenté le projet Solace Supplice et leur EP sorti en juillet 2020. Si la musique du groupe s’éloignait clairement de notre ligne éditoriale, l’EP lui, avait su me séduire de bien des manières.

Deux années plus tard arrivait l’album Liturgies Contemporaines, onze morceaux dont cinq qui figuraient déjà sur l’EP. Impossible d’y résister.

Le quatuor propose un rock français à la manière de Noir Désir, de Grand Jacques ou de Galaad. Des révoltés francophones aux paroles engagées. Du rock, mais du rock habité par une guitare recherchée, du piano, des claviers, un saxophone, des touches électroniques et zeste de trip hop. Bref un rock aux influences progressives.

On parle ici de chanson à texte, et quels textes ! Plusieurs morceaux très forts présents sur l’EP m’avaient chamboulé comme ‘Les Miradors’ ou ‘Dans la Couche du Diable’.

Deux ans plus tard, j’ai réécouté ces titres fabuleux et fait d’autres superbes découvertes. C’est bon d’écouter un album dans sa langue natale. Car sorti de la varietoche et du rapp, on ne peut pas dire que la langue de Molière soit à l’honneur dans le paysage pop rock hexagonal. Sorti des résistants comme Lazuli, c’est l’anglais qui impose des prononciations hasardeuses à la scène progressive, et c’est bien regrettable.

Après ce n’est pas parce que les paroles sont écrites en français que les textes couleront de source pour autant. Ce n’est pas du Patrick Sébastien, il faudra faire un petit effort. N’attendez pas beaucoup d’espoir non plus en écoutant Solace Supplice, tout est sombre, même l’amour.

Le rock côtoie la musique électronique comme dans ‘Sunset Street’ ou dans ‘Liturgies Contemporaines’. Des touches orientales pointent dans ‘En Guidant Les Hussards’ et une atmosphère à la Bouglione habite ‘Au Cirque Des Âmes’. Le chant s’apparente plus à des paroles déclamées qu’à une démonstration lyrique, une forme qui convient à la perfection aux paroles.

Cet album est hélas un des derniers composé par le guitariste Eric Bouillette qui nous a quitté cet été. Il jouait également dans Nine Skies, The Room et Imaginarium avec Clive Nolan. A ses côtés on retrouve sa compagne Anne Claire Rallo, le batteur Jimmy Pallagrosi, la fille de Nick Beggs à la basse et Laurent Benhamou au saxophone.

J’avais aimé l’EP de 2020. L’album de 2022 me conforte dans cette première impression avec de nouveaux titres très forts comme ‘Le Tartuffe Exemplaire’, en ‘Guidant Les Hussards’ ou en tissant de nouvelles atmosphères dans ‘Liturgies Contemporaines’.

Il ne s’agit pas à proprement parler de rock progressif mais vous vous y retrouverez dans ce très bel album de Solce Supplice. Alors, allez le découvrir, il est sur Bandcamp.

Esthesis – Watching Worlds Collide

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Il n’ y a pas si longtemps, nous parlions ici des imitateurs de Porcupine Tree. Figurez-vous que le sujet revient sur la table avec le second album du groupe Esthesis.

Esthesis est un projet français qui après un EP en 2019 accouchait d’un premier album un an plus tard. Un projet ultra centré sur Aurélien Goude, chanteur, compositeur, guitariste et claviériste manifestement très influencé par Wilson et sa bande.

Pour ne pas vous mentir, The Awakening sorti en 2020 ne m’avait pas emballé. D’ailleurs, je n’avais pas l’intention d’écouter la suite après avoir vu leur concert Chez Paulette. Puis Watching Worlds Collide est sorti, sept morceaux pour près d’une heure de musique. 

La première écoute m’a beaucoup rappelé leur proximité avec Porcupine Tree ainsi que leur premier album alors j’ai décroché au quatrième morceau. J’ai quand même réessayé un peu plus tard pour finalement acheter l’album.

Oui, ne nous mentons pas. Watching Worlds Collide emprunte encore beaucoup à Porcupine Tree. La bande à Wilson hante tous les morceaux de manière plus ou moins prononcée et c’est sans doute sur le dernier titre jazzy que cela s’entend le moins. Toutefois, les maladresses de jeunesse semblent oubliées et Esthesis est allé un peu plus loin dans son approche jazzy et dans ses couleurs cuivrées.

Si ‘Amber’ est un quasi cover de Porcupine Tree agréable à écouter mais sans grand intérêt malgré le saxophone de Maceo et la batterie bluffante d’Arnaud, ‘57th Street’ est une pièce particulièrement originale. Un titre cinématique de douze minutes à l’atmosphère de film noir. Plus surprenant encore est ce ‘Skimming Stones’ au piano qui s’enrichit du violon de Mathieu Vilbert. Ce titre figure parmi mes préférés de l’album. ‘Place Your Bet’, un peu comme l’instrumental ‘Vertigo’ est une chose hybride entre funk, alternatif et jazz, qui malgré quelques passages très wilsonniens, tire bien son épingle du jeu.

Watching Worlds Collide se révèle finalement être une très belle surprise. Esthesis affirme son identité musicale et s’il n’y avait cette forte proximité avec Porcupine Tree, il aurait pu devenir l’album de l’année.