Another World

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Réchauffement climatique, épuisement des ressources, extinction des espèces, folie des hommes, la Terre ne se porte pas bien du tout.

Lorsque j’étais jeune et naïf, je pensais que nous pourrions nous échapper de notre enfer bleu, aller vivre sur une autre planète, coloniser l’univers et tout recommencer ailleurs. Un autre monde, comme dans le clip de Gojira qui a inspiré ce billet.

Mais la réalité est tout autre. Aujourd’hui le réchauffement climatique atteint des sommets, une nouvelle canicule ce weekend, la sécheresse une année de plus qui ne devient plus accidentelle mais habituelle, un virus mortel qui envahit la planète et qui résiste à notre compréhension, des habitants qui consomment toujours plus sans se soucier des conséquences et notre incapacité évidente à coloniser une nouvelle planète pour échapper à la catastrophe.

Nous sommes loin aujourd’hui de l’exploit de 1969, lorsque les américains envoyèrent deux hommes sur le sol lunaire, deux hommes, pour quelques heures. Alors terraformer Mars ou une exoplanète lointaine, cela reste de la pure science-fiction quoique dise Musk.

Et puis, la fuite proposée dans Another World est-elle la solution ? Comme des criquets pèlerins qui ravagent tout sur leur passage, nous irions de monde en monde, épuisant leurs ressources, détruisant tout les écosystèmes au passage et nous continuerions notre route, laissant derrière nous des déserts radioactifs, à la recherche d’une nouvelle planète à détruire ?

Non. La survie de l’humanité passe par la survie de notre planète la Terre. Et pour avoir un avenir, il faut commencer maintenant à respecter notre monde : économiser ses ressources, ne plus polluer, respecter la biodiversité, entrer en décroissance. La fuite en avant, aujourd’hui inaccessible même à une petite minorité d’élus, n’est technologiquement pas viable. Nous ne construirons pas notre fusée voyageant plus vite que la lumière dans un hangar au milieu de la ville, pas plus que dans les laboratoire de Space X ou de la NASA. Nous sommes condamnés à vivre sur terre et y mourir.

L’expérience du COVID-19 ne semble pas avoir porté ses fruits : les nations ne se préoccupent plus que de relancer l’économie, de réinjecter de l’argent dans les entreprises, de remettre les gens au travail et tant pis si nous polluons encore plus, le problème sera réglé par la prochaine génération, à moins qu’elle ne soit la dernière.

Dopamine

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Savez-vous ce qu’est un webzine de critique musical ? De la dopamine pour labels et artistes, un panneau publicitaire clignotant gratuit en plein centre ville sur lequel passent sans cesse les noms des labels, de leurs artistes et les pochettes des albums.

C’est d’autant plus vrai dans le monde du rock progressif où les labels qui dominent le marché se comptent sur les doigts d’une main.

Avec plus de quinze mille articles lus par mois, un magazine du numérique, tenu par des bénévoles passionnés, génère de manière indirecte des revenus non négligeables à l’industrie de la musique. D’ailleurs ils l’ont bien compris, sinon pourquoi enverraient-ils des albums en promotion ?

Il fut un temps lointain où la presse recevait des vinyles et des compact-discs. C’est encore vrai pour les grands groupes de presse qui d’ailleurs n’en n’ont rien à faire de cette musique qui n’intéresse pas leurs lecteurs. De CD, la musique devint MP3 à télécharger et de plus en plus aujourd’hui, un lien vers une plateforme de streaming à usage limité dans le temps. Quelques maisons de disque se fendent encore de support physique, mais il s’agit aujourd’hui d’une toute petite minorité.

Les labels passent le plus souvent par des intermédiaires pour travailler avec la presse et certains intermédiaires peuvent gérer le catalogue de plusieurs labels en même temps.

Certaines de ces presonnes mettent à votre disposition tout leur catalogue, quelque soit votre ligne éditoriale. D’autres vous livrent au compte goutte, au gré de votre production et de l’enthousiasme affiché dans les colonnes de votre magazine. Dans ce dernier cas, pour recevoir l’intégralité du catalogue, il faut montrer patte blanche et se réveiller un élève exemplaire.

Dans notre petit monde, une mauvaise critique peut sceller la fin de toute relation avec un label ou un de leurs représentants. Soudain, votre magazine, autrefois inondé de promotions, se retrouve avec des propositions de seconde zone, des albums de reprises, des lives ou des flop assurés.

Pour éviter cela, certains webzines optent pour la soumission, la flatterie, à coup de chroniques dithyrambiques, de cadence infernale, d’interview avec les questions en forme d’adulation. Mais ces articles possèdent-ils le moindre intérêt pour le lecteur, à part les conforter dans une stupide idolâtrie ? Où se trouve alors la critique, quid de l’article qui permet d’éclairer le lecteur sur la qualité de tel ou tel album s’ils sont tous jugés bien ou très bien ?

A Neoprog, nous avons toujours fait le choix de l’honnêteté et de l’indépendance. Lorsque nous aimons, nous l’écrivons, lorsque nous n’aimons pas, nous le disons également. Nous menons des interviews lorsque l’artiste nous intéresse et nous couvrons les concerts qui nous font envie.

Alors bien entendu, il nous arrive de critiquer, de ne pas être tendre avec ceux qui n’ont pas l’excuse de la jeunesse ou du manque de moyen pour produire un navet. Cela me semble logique de prévenir le lecteur que ce qu’il pourrait acheter une trentaine d’euros ne vaut pas la peine d’y consacrer le moindre cent. A contrario, il nous arrive de porter aux nues un illustre groupe inconnu, juste parce qu’il a réellement du talent.

C’est notre rôle.

J’ai fait le choix il y a quelques mois de ne présenter que les albums reçus en promotion, ceci afin de mettre sur un pied d’égalité les groupes qui faisaient l’effort de nous envoyer leur musique et non, comme certains pourraient le penser, pour faire des économies, car de la musique, j’en achète toujours autant, voire plus qu’avant. Ce choix assumé a été fait en période d’abondance, n’imaginant pas qu’un des principal fournisseur de musique du rock progressif allait nous bouder, ne nous laissant que quelques miettes de la production mondiale, celles dont personne ne veut vraiment.

Le webzine fait l’impasse sur plusieurs grosses sorties, pas forcément les plus intéressantes heureusement, mais celles qui génèrent assurément le plus d’audimat. Par chance, les indépendants, les auto-produits suffisent amplement à notre bonheur musical et nous perdons pas au change, nous écoutons toujours autant, voire plus de bonne musique.

Mais si cela perdure, et cet article risque d’aggraver les choses, nous ne recevrons plus que des albums de niches, dans une musique qui l’est déjà. Cela ne signifie pas que nous ne ferons pas de belles découvertes, cela signifie que les quinze-mille articles lus tous les mois vont se réduire à pas grand chose, car jusqu’à présent, nous surfions sur la notoriété des blockbusters pour éclairer la musique des plus petits.

Nous n’allons pas changer notre manière de penser ni de nous exprimer, la preuve. Certains groupes disparaîtront de nos colonnes (vous avez déjà dû le constater) au profit de nouvelles découvertes, jusqu’à notre retour en grace auprès de certaines maisons de disque, comme cela s’est vu par le passé.

Car la roue tourne.

Nous pourrions également répondre à toute demande de promotion par ce texte lapidaire : « Le magazine n’accepte que les promotions au format physique ou loseless pour les sorties exclusivement numérique. ». Qu’en pensez-vous ?

Y’a plus de saisons

Y’a plus de saison mon bon monsieur ! J’en sais un bout, j’bosse pour la météo… 

Fish, qui n’est pas né de la dernière pluie s’est fait virer, faut dire, il buvait comme si c’était la canicule. 

C’est un petit jeune, un peu minet qui a pris sa place et il va en baver le garçon, car les premiers concerts c’est la douche froide. Le public réclame de l’écossais trente ans d’age.

Avec Season’s End prend fin le printemps de Marillion, le groupe doit se reconstruire avec un nouveau chanteur. Steve chante mais ne sait pas écrire, il va falloir trouver un parolier ou faire du yaourt.

Season’s End reste dans la lignée de Clutching at Straws en plus léger toutefois. La fabuleuse guitare de Rothery prend son essor dans de magnifiques soli lumineux et les gimmick du néo-progressif sont très présents. En fait, Season’s End se révèle un bain de jouvence pour le groupe britannique, retrouvant une fraîcheur perdue dans la désillusion des bars et des tournées.

Il ne réussira pas, malgré un tube, à grimper dans les charts. La gloire de Marillion fut éphémère et commenceront alors les années de doute.

Season’s End possède une saveur toute particulière à mes oreilles, comme les bonbons acidulés de l’enfance. Les mauvais coucheurs qui abandonnèrent le groupe en chemin, ne comprirent sans doute pas qu’il s’agissait d’une nouvelle saison pour Marillion et que le nouveau né, encore maladroit, nous livrerait plus tard de purs chef-d’œuvres.

Irrésistible

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J’ai posté cette image un soir où je jouais encore une fois à Animal Crossing. 

Zeb était dans son quatre pièces cossu, en train de réaménager la salle de répétions quand je l’ai vu : un gars ébouriffé en combinaison spatiale entouré d’instruments de musique dont il ne sait pas jouer. 

Alors j’ai immortalisé cet instant dont la légende devrait être plus exactement irrécupérable…

Cinquante-quatre ans passés, zéro ambition, je joue encore à ce jeu débile pour gamins et rêve toujours des mêmes sujets : l’espace et la musique.

Et vous n’avez pas tout vu chez Zeb : une chambre remplie de meubles en bois, un salon cosy avec une Hifi vintage et machine à expresso ainsi qu’une salle de bain à la marocaine. Il lui manque encore une bibliothèque et une guitare électrique et sa vie sera parfaite.

Sur la petite île de Bréhat, Zeb collectionne les poissons, les insectes, les fossiles et les oeuvres d’art. Il parle peu à ses voisins, surtout les sportifs qui jouent des altères et aime bien les grognons et les louves. Il s’est battu pour faire venir Kéké et ne va même pas à ses concerts du samedi soir. Lorsqu’il croise les autres insulaires, il les bouscule pour aller plus vite. Il courre toujours, incapable de se poser une seconde. Un hyperactif ! Lorsque quelqu’un désire quitter l’île, il l’encourage. Je l’ai même vu dénoncer un voisin innocent juste pour le plaisir. Un asocial !

Le matin il fait le tour de l’île, ramassant des coquillages, cueillant des fruits, cherchant des fossiles et son arbre à clochettes. Il court ensuite au musée faire expertiser ses trouvailles, les donner au conservateur puis il file au magasin vendre ses trésors. L’argent gagné, il l’enterre pour faire pousser un nouvel arbre à clochettes et avec ce qu’il reste, il se fait plaisir et rembourse un peu ses dettes. Ensuite il décore sa maison, joue de la batterie, pêche pour trouver des pneus de voiture et quand vient la nuit il sort regarder les étoiles. Car il rêve de se construire un rover lunaire et pour cela il lui faut quatre pneus, des étoiles filantes et un peu de ferraille. C’est son unique ambition, avoir un rover lunaire.

Les jours où Zeb est énervé, il prend l’avion pour une île lointaine et détruit tout sur place. Il abat les arbres, arrache les fleurs, attrape les insectes et les poissons, casse les rochers et creuse des trous partout. L’île paradisiaque devient un champ de bataille. Un fou ce Zeb. 

Les jours où Zeb est très énervé, il rêve de faire pareil avec Bréhat, juste pour le plaisir de tout foutre en l’air, mais Heureusement je veille au grain et coupe la console avant qu’il ne fasse rien d’irrévocable avant de prendre moi-même mes médicaments.

Le chant des sirènes

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Avez-vous remarqué que les métalleux graisseux dégarnis qui ne se voient plus pisser, boudinés dans leurs blousons noirs, recouverts de tatouages antéchrists, bardés de têtes de morts, de crucifix inversés et de trucs dans les narines, fondent à chaque fois pour la même chose ? les chanteuses de metal…

Marjana, Marcela, Anneke, Tarja, Kate, Annette, Sharon et toutes les autres peuvent chanter deux notes et les gros sont au bord des larmes. Je vous l’accorde, certaines de ces filles possèdent une jolie voix, et il arrive même qu’elles soient en plus plaisantes à regarder, mais quand même !

Les métalleux sont des durs ou des tafioles ? Faudrait savoir ! Mireille Mathieu pousserait la même chansonnette, je suis certain qu’ils lui balanceraient un pack de cro sur sa coupe au bol.

Les minettes elles s’exitent plutôt pour un Bruel ou un Georges Michael, allant jusqu’à jeter leur culotte sur la scène. Si Carlos avait repris ‘Faith’, je pense qu’il aurait reçu des gaines XXL pendant sa tournée. Enfin bon.

Et si en réalité nos hormones commandaient nos affinités musicales ? Qu’en pensez-vous ? Imaginez le drame, la musique ne serait que question de libido. Genres, styles, époques, technicité, harmonies, tout ça ne serait qu’un enfumage pour cacher l’affreuse vérité. Nous ne serions que des organes reproducteurs et nos sens seraient gouvernés non pas pas le cerveau mais notre cortex reptilien. Il suffirait d’une voix aiguë et de quelques rondeurs pour que nous tombions sous le charme d’une chanson.

Moi je suis chroniqueur, je suis donc plus fort que tout cela évidement, je ne me ferai jamais piéger par le chant des sirènes. Mon analyse est toujours lucide, objective, faites-moi confiance. Si tous les albums de Stream of Passion, de The Gathering, de Within Tempation sont fabuleux, cela n’a aucun lien avec le charme fou de leurs chanteuses, ce n’est que du talent.

Parce si je poussais le raisonnement développé plus haut jusqu’au bout, je fantasmerais sur Damian Wilson et Marc Atkinson, et sans être homophobe, cela me mettrait mal à l’aise quand même.

Le chien

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Nous vivons dans une maison de fou.

Au rez-de-chaussée, lorsque le piano ne résonne pas, la Hi-Fi prend la relève et si ce n’est pas la Hi-Fi, c’est le home cinéma. La machine à laver le linge, même en plein essorage, peine à couvrir le vacarme.

A l’étage la mini chaîne rivalise de puissance avec le piano numérique et le violoncelle.

Pour contrer ces nuisances sonores, notre fils aîné met un casque sur ses oreilles pour discuter avec ses amis. Ses éclats de rires et hurlements lorsqu’il joue en ligne couvrent parfois les notes du violoncelle.

Le petit dernier, qui n’aime pas la musique, son frère et ses parents, lorsqu’il n’en peut plus de cet enfer sonore, se défoule sur son sac de frappe, faisant vibrer les poutres de la vénérable habitation.

A droite vous entendez le zonzon des cordes frottées, à gauche la rythmique de la boxe et au milieu des hurlements de ténor.

Pour répondre à cela, le chat miaule d’une pièce à l’autre, grattant les portes si besoin est, afin de trouver un peu de réconfort dans une chambre calme et chaude.

Car en bas la chaîne passe du death metal au psychédélique en quelques secondes, se stabilisant une minute sur du krautrock et repartant de plus belle sur du punk.

La machine essore à mille-deux-cent tours minutes et se déplace en vibrant dans l’entrée. La cocotte minute siffle toute sa vapeur accumulée dans la cuisine, le bus de 19h fait trembler les poutres de la maison avant que les cloches du temple ne se mettent à carillonner et que le chien des voisins ne se lance soudain dans une série de hurlements démoniaques.

Alors furieux du dérangement, j’ouvre la fenêtre, le heavy rock jaillit hors de la maison comme une explosion de haine et je hurle au roquet de la fermer.

C’est vrai quoi, j’ai besoin de calme pour chroniquer.

Le fan

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Quoi de plus épouvantable qu’un fan. 

Vous avez écouté le dernier Lazuli ? 

Non parce qu’un fan est une personne qui manque totalement d’objectivité quand on parle de son groupe préféré. 

C’est un concept album. 

J’ai été autrefois un fan de Marillion, achetant tout, m’inscrivant à leur fan club, portant leurs couleurs. 

Ils passeront à trois reprises dans la région, Prateln, Pagney-derrière-Barine, Karlsruhe ! 

Le fan est incapable de discernement. Tout ce qui vient de ses idoles est forcément magnifique. 

En plus les gars sont super sympas, drôle, abordables. 

Le fan peut rester des heures sous la pluie à attendre pour une signature sur un bout de papier, c’est affligeant…

Domi c’est le poète de l’équipe, le troubadour à l’accent du soleil. 

Le fan ne supporte pas que l’on critique ses dieux vivants et il leur voue un culte même bien après leur mort. 

Le livret est magnifique et en plus c’est leur premier vinyle, trop beau ! 

Le fan est capable de suivre son groupe sur une tournée, je vous jure, j’ai rencontré un brésilien venu en Europe pour suivre Marillion partout, même que Hogarth était venu le saluer alors que nous attendions l’ouverture de la salle. Pathétique, comme j’étais jaloux ! 

Lazuli est un des rares groupes de prog à chanter en français et ne me dites pas que c’est parce qu’ils étaient nuls au lycée en langues, c’est juste que la poésie s’accorde mieux à nos sonorités latines, voilà. 

Le pire chez un fan c’est cette manie qu’il a d’adopter la façon de penser, la mode vestimentaire de ses artistes fétiches. 

J’ai tous leurs albums, live compris et leur dernier album, je l’ai même en deux éditions: CD et vinyle. 

Souvent le fan se fait plaquer, car son amour se déplace de sa famille vers ses idoles. 

Sur scène ils sont justes fabuleux, avec leur look, leurs dreadlocks et lorsqu’il présentent leurs chansons, ils ne manquent jamais d’égratigner les intolérants. J’adore. 

Mais il arrive que le fan bascule, du côté obscur (vous avez vu le film avec De Niro ?). Il suffit qu’un jour l’artiste soit fatigué, ce n’est qu’un homme après tout, « Non c’est un dieu », « Oui d’accord, d’accord un dieu fatigué donc », qui ignore ou envoie paître le fanatique, sans penser à mal, juste par lassitude, et c’est le drame. 

La pochette de l’album est belle, le livret magnifique. Mais vous ne trouvez pas qu’il lui manque un truc ? Des petits gribouillis quelque part ? Comme des dédicaces ? Hein ? Hein ! 

Un fan peu se ruiner pour ses idoles, acheter des habits qu’ils ont porté, des papiers qu’ils ont gribouillé, des photographies rares, des éditions limitées signées. 

Moi, moi, j’ai traversé la France pour les écouter, moi. J’ai passé des heures à transcrire une interview avec eux, oui oui, j’ai parlé avec eux nananère et pas vous, si ? Ha, vous aussi ? Des heures à franciser leurs expressions sudistes, à comprendre ce que disait Romain alors que Gédéric déconnait près du micro. 

Le fan frustré peu devenir dangereux, transformant son amour en haine implacable. Toute l’énergie qu’il consacrait à son culte peut soudain être canaliser dans un seul but, la destruction du mythe.

J’adore leur dernier album, mais entendons-nous bien. Je ne suis pas un fan. Un chroniqueur ne peut pas être un fan, c’est incompatible. Et puis il y a longtemps que je ne suis plus fan. Mais là j’ai un vinyle avec un grand livret et plein d’espace où Vincent, Romain, Dominique, Gédéric et Claude pourraient apposer leur signature avec un petit mot du genre « pour Jean-Christophe, notre plus grand fan », alors je vais aller à tous leurs concerts en France et faire le pied de grue, devant leur bus, les suivant aux toilettes s’il le faut, jusqu’à ce qu’ils me signent cette bouteille jetée à la mer que j’ai trouvée sur le bord de la plage.

Merde. Je suis redevenu un fan.

C’est grave docteur ?

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De quoi souffrez-vous donc ? D’une dépression, d’un cancer, d’épilepsie, de migraines, de névrose, d’ulcère, de bipolarité ? Vous souffrez forcément de quelque chose, un mal incurable, sinon ça n’est pas possible.

Pour ma part ce sont des migraines, une certaine bipolarité également doublée d’une hyper activité et donc des phases dépressives sans parler d’une hernie discale et d’une bosse au gros orteil. Vous voyez, je n’ai pas honte, je l’assume, mais vous ?

Pourquoi seriez-vous malade vous aussi, me direz-vous ? Bonne question. Ce sont les statistiques qui parlent d’elles-même, des mathématiques donc, et les nombres ne mentent jamais. Vous êtes forcément malade. C’est obligé.

Car voyez-vous, ils faut être malade pour aimer le rock progressif, soyons honnêtes pour une fois. Les amateurs de prog écoutent des albums interminables, des morceaux de plus de quinze minutes joués par souvent cinq ou six musiciens, des instruments improbables, des histoires épouvantables alors que le reste de la planète se trémousse sur des chansons d’amour aux rythmiques tribales en se dandinant le popotin.

Donc vous êtes malade, ou un malade, choisissez.

Mais la vrai question est celle-ci : qui du rock progressif ou de la maladie est arrivé le premier ? Est-ce les souffrances liées à la maladie qui poussent à écouter du rock progressif ou bien est-ce cette musique épouvantable qui crée des tumeurs au cerveau ?

Je penche pour la seconde hypothèse.

Pourquoi ? Tout simplement parce que lorsque j’écoutais AC/DC, je n’avais pas de migraines. Elles sont arrivées quand j’ai découvert Genesis. Et lorsque qu’une crise survient, un bon album de metal passé à fond au casque me soulage quelque peu.

CQFD. Le prog provoque des maladies terribles, d’ailleurs je suis entouré de cancéreux, dépressifs, migraineux, épileptiques, incontinents, diabétiques… Et d’ailleurs, si vous aviez besoin d’une preuve supplémentaire, tous les musiciens de rock progressif meurent les uns après les autres, une véritable hécatombe.

Le pire ce ne sont pas les fans mais les artistes. Pourquoi jouer du rock progressif lorsque l’on sait que la musique ne passera jamais à la radio et que si une émission en parle ce sera à une heure impossible sur une chaîne pour intellos comme Arte. Pourquoi composer un album pendant deux ans, se prendre la tête sur des rythmes syncopés, des textes incompréhensibles bourrés de références philosophiques (je ne parle pas de Dream Theater là), tout ça pour au final (dans le meilleur des cas) graver un millier de CDs que le groupe n’arrivera même pas à écouler ? Pourquoi tenter une tournée dans l’hexagone, dans des salles de deux-cent personnes remplies au quart et perdre de l’argent ?

Cela n’a pas de sens !

J’ai une hypothèse là dessus, tirée par les cheveux et conspirationiste bien entendu, mais une hypothèse quand même. Les musiciens de rock progressif sont payés par de grands laboratoires pour composer des albums qui provoqueront, en les écoutant, des maladies incurables à leur public.

C’est gagnant gagnant. Les musiciens sans talent peuvent composer n’importe quoi, même le pire, les grands laboratoires les payeront d’autant plus car la musique fera des ravages. Plus c’est compliqué, plus le cerveau réagira vivement, se révoltant contre cette agression sonore en développant des pathologies qui très rapidement (enfin des fois), mettrons un terme à cette torture musicale.

C’est pour cela que les gens sains d’esprit n’écoutent pas de rock progressif. Ils le savent. Et puis sincèrement, la guitare douze cordes, le thérémine, l’orgue Hammon, le mini Moog, le stick Chapman, la flûte traversière sont des instruments qui produisent des bruits épouvantables !

Reste une question et non des moindres. Pourquoi les gens écoutent-ils du rock progressif dans ce cas ?

Et là j’ai encore une hypothèse.

Les fans de prog sont des personnes lassées de la vie. Elles n’en peuvent plus du rap, du punk, de la disco, de la dance, du hip hop, de la variétoche aux autres immondices qui passent sur nos ondes. Ils savent sans doute que le rock progressif est dangereux, qu’il provoque de vives émotions, que le risque d’y succomber est immense et que l’addiction vient très vite. Mais voila, plutôt que de subir le triste bruit formaté sur les ondes, ils préfèrent se suicider aux harmonies magiques et aux textes mélancoliques.

De concerts en hôtels

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Après le succès de Misplaced, Marillion se retrouvait sous pression. Le quatrième album studio du groupe se devait d’être à la hauteur du précédent. Mais voilà, le groupe ne cessait de tourner, Fish écrivait ses textes dans des chambres d’hôtel, sur les comptoirs de bars, dans le car de tourné, le label rêvait d’un single à la ‘Kayleigh’ pour faire toujours plus d’argent et des tensions dans Marillion devenaient palpables. 

Clutching at Straws se révèlera l’album de la fin d’une ère. Nous sommes loin de la fragilité de Misplaced, nous sommes noyés dans les cocktails, les salles de concerts, les groupies, les bars et les hôtels. Le groupe s’est offert les services d’une choriste pour l’occasion en studio ainsi qu’en tournée, un accessoire pour palier peut-être aux premières défaillances vocales de l’écossais ? La jeune fille se trémoussera sur scène, un peu en décalage avec l’image que nous renvoyait le groupe à l’époque. Ce sera mon premier concert de Marillion, le premier et dernier avec Fish également, le premier d’une longue série dont j’ai perdu le compte. J’étais un fan. 

Clutching at Straws rompt avec la tradition des artworks colorés des précédents vinyles, pochette noire, photographie retouchée d’un comptoir de bar. Comme la musique et les textes, tout possède un goût de sciure et d’alcool rance. 

Pourtant, sans nul doute, Clutching est un grand album, sombre, limite désespéré et c’est ce qui le rend beau. J’ai pris goût à ce mélange vodka café crème qui donna son nom au plus beau titre de l’album, ‘White Russian’. « Where do we go from here? », bonne question… 

Clutching sonne la fin d’une époque, le dernier album avec Fish et le dernier pressage vinyle du groupe avant bien des années (j’achèterai Season’s End en K7). S’identifier au Fish de cet album sera destructeur pour bien des personnes. L’artiste semble au fond du trou et ne se relèvera qu’avec son premier album solo Vigil in the Wilderness of mirrors.

Ma femme est musicienne

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J’écris ces mots pour tous les artistes que je côtoie et qui ne se rendent pas compte de ce qu’il sont réellement.

Ma femme est musicienne, elle joue de la musique. Sa vie tourne exclusivement autour de ses deux instruments, le piano et le violoncelle, les deux amours de sa vie. J’arrive en sixième position, après nos deux enfants et le chat.

Quoi de plus normal, ma femme est musicienne. Une pièce pour le piano quart de queue, une pièce pour le violoncelle, sans parler du piano numérique qui accepte de partager sa vie avec le violoncelle, gentil piano électrique…

Ma femme est musicienne et va toujours à l’école des musiciens, pour apprendre, pour rencontrer d’autres artistes, pour jouer. Elle use un professeur tous les trois ans en moyenne; un professeur de piano, un professeur de violoncelle, un professeur de musique d’ensemble. Le premier mois il est toujours formidable puis progressivement, dès la seconde année le plus souvent, il ne lui apporte plus rien, il est trop scolaire, il veut lui faire jouer des œuvres qu’elle n’aime pas. Des professeurs Kleenex.

J’ai de la chance car ma femme est musicienne. J’écoute tout plein de musique classique et elle m’apaise. Le piano et le violoncelle résonnent à toute heure dans la maison, avec en bonus la voix de l’artiste qui s’énerve toute seule, qui donne des ordres aux mains, qui peste contre la partition.

Ma femme est musicienne et a besoin d’amour, besoin qu’on la rassure sur son interprétation de Debussy, sur la transcription de ‘We Are The Champions’ de Queen pour piano et hurlements.

Ma femme est musicienne, elle passe son temps sur YouTube à écouter toutes les versions d’une oeuvre, même les pires, ça la rassure.

Ma femme est musicienne, ses humeurs sont comme la musique, certains jours wagnériennes, d’autres jours semblables à du Schumann. Allegro, adagio, pianissimo, double forte, en sol ou en fa, elle est imprévisible. Au plus fort de la tempête, soudain le vent se calme et le soleil brille quelques secondes avant l’averse de grêle.

Ma femme est musicienne, elle aime la musique d’ensemble. Mais pour la musique d’ensemble il faut être au moins deux. Et avec qui jouer, lorsque l’on consacre sa vie à la musique ? Des amateurs éclairés qui consacrent deux heures par jour minimum à leur instrument ? Soit ils n’ont pas le niveau, soit ils sont trop forts, soit il ne sont pas assez disponibles ou bien ne s’intéressent pas à la musique française du début du vingtième siècle. Ma femme aime la musique d’ensemble mais joue le plus souvent seule ou accompagne au piano des enfants en première année de violon.

Ma femme est musicienne mais n’aime pas se produire devant un public. Chaque audition est une torture, un peu pour elle, énormément pour nous, surtout durant les quinze jours qui précèdent l’exercice.

Ma femme est musicienne, elle joue avec d’autres musiciens. Des artistes fragiles, sensibles, un peu fous, qui sacrifient à leur art, travail, temps libre, richesse et famille. Tout l’opposé de mon épouse.

Ma femme est musicienne et je ne pourrais vivre sans ma musicienne.