Haroun Tazieff

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Je n’ai jamais volé aussi loin de ma vie. Quatre heures et vingt minutes depuis Strasbourg. Tout ça pour aller se perdre sur une petite île au milieu de l’océan Atlantique. Un caillou volcanique aride balayé par les vents et brûlé par le soleil.

Pourquoi Lanzarote ? Parce qu’il y a un vol direct Strasbourg Arrecife une fois par semaine desservi par une compagnie low cost et que les autres destinations, à savoir la Corse, la Sardaigne, l’Italie, le Portugal ou l’Espagne, on a déjà donné. Bon d’accord, techniquement les Canaries font partie de l’Espagne, mais c’est quand même pas pareil.

Maisons blanches, cactus, palmiers, volcans, mer de lave, océan, îles et soleil avec 22 à 24 degrés au programme, le tout dans une maison de 95 m2 avec piscine, jacuzzi et vue sur mer, au sud de Lanzarote. Il y a pire comme destination de vacances, surtout quand il fait 8 degrés avec de la pluie en Alsace.

Pour la voiture, j’aurai dû choisir la même catégorie que le logement. La Fiat 500 cabossée qui peine à dépasser les 60 km/h dans les montées, gère également difficilement les chemins en terre défoncés qui conduisent à de nombreux paysages grandioses. Impossible de se garer en bord de route par exemple, l’accotement se trouve souvent 20 cm en dessous du bitume. Trouver un endroit pour se garer et prendre une photographie relève de l’impossible, surtout dans le parc des volcans.

J’ai toujours adoré les déserts et je suis fasciné par les volcans. À Lanzarote, je suis servi. Plus de trois cents volcans et la moitié sud de l’île recouverte de lave où ne pousse que de rares lichens. Un paysage de désolation. J’adore !

Pour la culture, sorti de l’artiste local qui a ‘embelli’ certains sites, c’est la misère. Pas de vestiges de civilisation antique, car s’il y en a eu, ils ont été ensevelis sous la lave. Restent des sites spectaculaires fait de pierre et d’océan, des paysages grandioses balayés par les vents.

Du nord au Sud à peine une heure de route, d’Est en Ouest la moitié. Des maisons blanches à un étage, des piscines bleues pour les touristes, des hôtels gigantesques sans cesse alimentés par des cars, des rosbifs et des teutons écarlates, des italiens bruyants, des retraités venus chercher de la vitamine D en rayon et quelques français égarés. 

Pas de champ, sinon de lave, quelques touches de vert sous forme d’un cactus, d’un palmiers, du lichen ou d’une vigne rachitique protégée dans des demies lunes de pierre volcanique. Ici tout est minéral, même le vin blanc sec. L’eau vient de l’océan, déssallée, imbuvable. Spaghetti à l’eau minérale, expresso sorti d’une bouteille plastique, alors tant qu’à boire en emballage, autant se déshydrater au vin et à la bière.

Il n’y a pas tant de choses à visiter sur l’île sorti des œuvres de César Manrique, l’artiste de Lanzarote. Bon d’accord, il y a le parc des volcans dans lequel je pourrais consacrer une année de photographie, mais voilà, on ne le visite qu’en bus fermé pour préserver le site. Il existe heureusement d’autres volcans que l’on peut explorer librement, d’ailleurs juste au-dessus de notre maison il y a la Montagne Rouge et son immense cratère que j’ai escaladé à plusieurs reprises le matin.

Étrangement les guides que nous avons consulté, passent sous silence de magnifiques endroits qui sont du coup assez peu fréquentés par les touristes comme Punta de mujeres, un village au bord de la mer avec plusieurs piscines naturelles fabriquées par les coulées de lave. Ces lieux ne sont pas vraiment aménagés pour les touristes, pas de panneaux, pas de parking, pas de commerces, mais le bouche à oreilles et les blogs conduisent quelques curiueux égarés dans ces paysages encore préservés.

Sur Lanzarote il y a des cratères, des tunnels de lave, des mers de roche volcanique déchiquetée, des plages de sable noir, des lagons verts, de rares moulins, quelques cactus, beaucoup de lichen, des murs de pierres ponce, des champs de gravillons noirs, des volcans noirs, gris et rouges et ces maisons blanches aux portes vertes surmontées de panneaux solaires et d’un ballon d’eau. Une terre de contrastes visuels saisissants qui font le bonheur d’un objectif photo.

Parti avec le Nikon Z6 et un objectif 24-200 mm pour voyager léger, j’ai très vite regretté de ne pas avoir emmené un ultra grand angle car Lanzarote vaut pour ses paysages grandioses à 180 degrés. J’avais tout de même amené un mini trépied pour photographier l’éclipse de lune du 14 mars, mais je ne me suis pas réveillé, épuisé par les longue marches au soleil, face au vent soufflant à 50 km/h.

Ce furent de très belles vacances, mais je ne crois pas que nous retournerons pas à Lanzarote même si c’est une île étonnante. Le bilan carbone du voyage, l’usine à touristes qu’est la côte sud et le fait qu’au bout de trois jours nous avions exploré les spots principaux, ne donnent pas forcément envie d’y faire un second voyage. Les volcans furent par contre une rencontre spectaculaire que j’aimerais bien renouveler en Islande par exemple. Reste à convaincre mon épouse…

Anomalie spatio temporelle

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Sur l’autoroute reliant Lyon à Strasbourg, la nuit est tombée. Les essuies glaces fonctionnent à plein régime. Mes yeux sont éblouis par les voitures me qui me croisent sur la voie de gauche. La radio radote les mêmes actualités depuis ce matin, lorsque je faisais le trajet dans l’autre sens. Les panneaux bleus égrènent impitoyablement les kilomètres me restant encore à parcourir. Le GPS annonce l’heure tardive d’arrivée et la distance restant à engloutir s’il je ne m’arrête pas et qu’aucun ralentissement ne vienne modifier le réglage du régulateur de vitesse bloqué à 130 km/h. 

Strasbourg 295 km annonce le panneau de signalisation. Le GPS m’indique quant à lui qu’il me reste encore 302 kilomètres à conduire. Étrange. Je ne vais pourtant pas jusqu’à Strasbourg, je m’arrête 7 km avant, dans la banlieue sud. Il ne devrait rester que 288 km de route. Aurais-je mal programmé l’itinéraire ?

Les lignes blanches défilent, les aires de repos éclairent brièvement l’obscurité, les camions se traînent sur la voie de droite et, alors que les roues avalent les kilomètres, l’écart entre le GPS et les panneaux indicateurs s’amenuise pour finalement disparaître à proximité de la ville de Besançon.

Je ne suis pas le premier à avoir observé cette troublante distorsion spatio temporelle. La fatigue de la route n’explique pas tout car mes passagers ont également noté cette anomalie. Il suffit de savoir lire et compter.

Certains avancent l’hypothèse d’une erreur de signalétique corrigée petit à petit  et en douce par les services autoroutiers pour masquer une grosse bévue. D’autres inventent un bug dans le logiciel du GPS qui se retrouvait également sur Waze et Google Maps. Pas crédible ! 

Moi je pense que quelque part entre Tournus et Besançon des entités extraterrestres volent quelques minutes de notre existence alors que nous sommes concentrés au volant. Mais pour quelle raison me direz-vous ? Pour procéder à des expériences sur notre cerveau et préparer l’invasion de la Terre évidemment.

D’ailleurs je suis persuadé que les ETs viennent de s’en rendre compte. Alors que j’approche de Belfort, la neige se met soudain à tomber et bientôt plusieurs centimètres couvrent la chaussée. Et tout le monde sait bien que le passage dans notre atmosphère de vaisseaux extraterrestres s’accompagne de distorsions temporelles et d’un brutal refroidissement de la température. Une preuve de plus.

Lorsque j’arrive enfin à destination je suis anormalement fatigué. Parce que sérieusement ce ne sont pas douze heures passées assises dans un siège confortable qui vont épuiser un homme dans la force de l’âge. Il s’agit nécessairement des expériences que l’ont fait subir les extraterrestres pendant ses six minutes volées. Mais que m’ont-ils donc fait ? Certainement des expériences sexuelles. Pourvu que je porte pas en moi un alien en gestation.

Bon, on verra cela demain matin au petit déjeuner. En attendant je vais me coucher. Je suis trop fatigué.

La douche froide

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Vous connaissez la comptabilité matière ?

Tous les trois ans, je suis amené, comme mes autres collègues, à inventorier les biens que possède l’administration.

Les bureaux, les armoires, les fauteuils, les tables, les chaises, les lampes, les voitures, les stores, les ordinateurs, les écrans, les bornes électriques, les tableaux, sont dotés d’une petite étiquette blanche portant un code barre et un numéro à huit chiffres identifiant de manière unique chaque achat. 

Un logiciel et sa base de données recense tout ce que nous devrions posséder dans chaque centre. Des dizaines de milliers de références dont une partie n’existe plus depuis longtemps.

Muni d’un ordinateur portable et un lecteur de code barre également appelé douchette à cause de sa forme, je recherche la petite étiquette blanche sur l’objet et la scanne avec le machin laser. 

Evidemment, les étiquettes sont collées au petit bonheur la chance sur les meubles. Dessous, dessus, sur le côté, à l’intérieur, derrière, à droite, à gauche, sur un pied, une porte, sur le fond et même pour certaines dans un cahier. 

L’exercice consiste à rentrer dans une pièce, ouvrir son inventaire dans le logiciel et partir à la chasse aux œufs avec la douchette. Certains objets ont perdu leur code barre, d’autres n’en ont pas, certains encore sont illisibles. Si dans le listing vous voyez Chaise rouge 00032850 et que vous êtes dans une grande salle de réunion de quarante places, la quête du Graal peut se révéler éprouvante, d’autant que la chaise en question a peut être été déplacée dans la cuisine. Alors vous scannez frénétiquement toutes les étiquettes jusqu’à avoir épuisé tout ce que vous trouvez. Reste alors des meubles, des lampes, des écrans, des tailles crayons orphelins qu’il va falloir retrouver dans d’autres bureaux ou bien déclarer définitivement perdu.

L’opération recommence avec la pièce suivante, vous soulevez les chaises, déplacez les meubles, vous vous accroupissez sous les bureaux, vous ouvrez les placards et vous scannez tout ce qui est blanc.

Ce qu’il y a de drôle, c’est qu’il existe des codes barres non référencés, des biens qui ont été sortis de la base de données mais qui traînent encore dans les bureaux. Pour ceux-là une alerte spécifique s’affiche sur l’écran et il faut revenir au PC pour  tout remettre dans l’ordre. Du coup on travaille le plus souvent à deux, un devant l’ordinateur, l’autre armé de la douchette.

Un bâtiment de 400 m2 nécessite environ une journée de travail pour être complètement inventorié sans compter le temps nécessaire pour s’y rendre. J’ai cinq sites de cette taille situés à plus de 2h de route. Faites le compte vous même. 

Dans les toilettes

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Hier matin j’ai reçu le MMS suivant : 

Bonjour papa , mon téléphone est cassé, c'est mon numéro temporaire, peux-tu m'envoyer un WhatsApp, pas par SMS !
+33773399739

Le numéro de téléphone de SMS était le +33 7 89 30 01 17 et celui sur lequel je devais le recontacter le +33 7 73 39 97 39 ce qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille.

Mais sur le coup je n’ai pas vraiment réfléchi, j’étais en déplacement depuis 6h30 avec quelques heures de route au compteur et un seul café dans les veines.

Alors j’ai contacté ce numéro via WhatsApp avec ce message :

Hello, téléphone HS ?

J’aurais pu réfléchir deux secondes. S’il pouvait me contacter via WhatsApp c’est que son téléphone fonctionnait ou que le nouveau qu’il utilisait, puisque c’était un autre numéro de téléphone, pouvait recevoir des SMS et des appels. Mais bon j’avais plein de travail et toujours qu’un seul café baignant les neurones.

Le gars m’a répondu ceci :

Cc papa, mon téléphone est tombé dans les toilettes, 

Alors je me suis marré. Et lui a continué.

C'est ne pas drôle, J'ai tout perdu, photos et fichiers, Toutes les applications importantes, Papa, j'ai un peu honte de te le demander, mais j'ai besoin de ton aide.. Tu reçois?

Mais ça, je l’ai lu à 13h après un café serré bu à la fin du repas de midi. J’avais l’esprit nettement plus clair. Alors j’ai voulu jouer. J’ai répondu « Yep » et le bonhomme a poursuivi.

Je dois payer 2 factures  malheureusement j’ai pas accès à ma banque en ligne je peut te les envoyer ? Je te rembourse pour jeudi..

J’ai répondu, en bon père que je suis :

Ben oui bien sûr

Et lui de continuer.

Merci beaucoup, J'ai parlé à ma banque et ils m'ont dit que je ne pourrai plus me connecter à mon compte avant jeudi, Alors je te rembourserai, d'accord?

Prends moi pour un con… j’ai donc répondu « Yep ».

Et lui de m’envoyer les informations :

Je t'enverrai les détails 
Nom: Sophie Lefèvre 
Iban: DE78 5087 0324 0067 6932 00
Motif: GDH 0091
Montant: 2494.95
Virement SEPA
Le bic est DEUTDEDBP26

Après quelques minutes de silence, je l’ai informé que la transaction était réalisée et lui ai demandé quelle était la seconde. C’est là qu’il m’a demandé une preuve de virement. Là j’ai fait le débile j’avoue, lui expliquant que je n’avais pas encore reçu la confirmation par mail et que je ne savais pas faire une copie d’écran pour lui envoyer. Il a voulu savoir si j’étais sur un PC. J’ai répondu que non, j’avais fait le virement depuis mon téléphone. Et sans doute pour m’expliquer comment faire la copie d’écran, il m’a demandé la marque de mon smartphone. J’ai répondu que je ne savais pas.

Quel téléphone as-tu ?

Je ne sais pas, c’est toi qui me l’a offert.

Ça l’a fait rire. Il a fait encore quelques tentatives, me proposant de refaire le virement jusqu’à que je lui dise que je ne pouvais pas, parce que mon téléphone était tombé dans les toilettes. Après cet échange, il a été soudain assez mal poli, il faut bien l’avouer.

Hahaha 
Fils de put

Bon, j’ai signalé son numéro de téléphone à l’adresse des Spams au 33700, je l’ai bloqué et j’ai signalé le bouffon sur WhatsApp. Cela ne va sans doute pas beaucoup l’arrêter mais je le suis bien amusé… Mais faites quand même gaffe.

Fil bleu, fil rouge ?

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Lorsque vous achetez un appareil, lisez-vous la documentation utilisateur ? Moi non, tout au plus je regarde les images vite fait.

Il y a un an j’ai commandé une caméra de guidage livrée avec deux câbles, un RJ45 et un USB 3.0. Et logiquement, lorsque je l’ai branché à l’Asiair Plus, j’ai connecté les câbles USB et RJ45 puisqu’il y avait deux prises de ce genre de l’autre côté. D’ailleurs aucun des deux équipements n’a rechigné. Donc c’était forcément bon.

Cependant dès que j’ai utilisé la caméra de guidage avec l’Asiair et la monture Celestron AVX, j’ai trouvé le fonctionnement de l’ensemble assez peu satisfaisant. La seule fois où je n’ai pas branché les deux câbles, par erreur, l’ensemble a mieux fonctionné que d’habitude. Mais comme je suis moi, j’ai accusé la monture AVX d’être la cause de mes problèmes. Alors je l’ai remplacé par une monture AM5 beaucoup plus couteuse, imaginant que la monture AVX avait un problème.

D’ailleurs j’ai cassé les pieds à nombreuses personnes dans les forums spécialisés pour trouver une explication logique à mon problème, sans résultat. La monture ZWO AM5 s’est nettement mieux comporté, principalement parce que je lui faisais supporter une lunette de trois kilos à champ large au lieu d’un télescope de deux fois plus lourd et ouvert à f/d 10.

Mais malgré tout, le résultat n’était pas forcément très satisfaisant.

Un jour de très gros plantage, j’ai commencé à me poser enfin les bonnes questions et à remettre en cause mon savoir faire. J’ai ressorti la notice de la caméra et de l’Asiair et ai remarqué sur les photographies de branchement, que seul le câble USB était connecté entre la caméra et l’Asiair. J’ai cherché à savoir ce que pilotaient ces fils et j’ai compris que je n’avais pas besoin du câble RJ45.

La même chose m’était arrivée avec un câble de déclenchement pour appareil photo que je branchais en doublon avec l’USB. Les deux envoyaient la même information mais avec un léger décalage, semant la panique dans l’ordinateur.

Le pire c’est que je ne suis pas le seul à avoir commis cette erreur. Nous avons eu des échanges interminables sur les réglages de l’autoguidage d’un télescope, sur son installation, sur son utilisation, mais pas une seule fois nous n’avons remis en cause son branchement à l’Asiair. Jusqu’à ce qu’un terrible doute m’assaille, que j’en fasse part à d’autres et qu’une petite voix se manifeste pour dire, « moi aussi, je fais pareil. ».

Débrancher le câble en question n’a résolu tous mes problèmes. Par contre, un meilleur positionnement du contrepoids sur la monture, la fin d’une bien mauvaise pratique de mise en station et de meilleurs ajustements des paramètres dans l’Asiair ont probablement solutionné le problème du guidage. Cela reste à vérifier mais mes deux dernières tentatives se sont révélées nettement plus concluantes que les précédentes.

Camping

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Un transat, une chaise en toile, une table pliante, un thermos, une gamelle isotherme, des couverts en bois, une lampe frontale, une couverture, je suis fin prêt pour le camping des Flots Bleus. 

Sauf qu’au lieu du short de bain, je porte un pantalon de ski, des sous-vêtements thermiques, un anorak, des mitaines et des sous gants, un bonnet, des bottes de grand froid et des semelles chauffantes.

Je fais du camping sauvage à plus mille mètres d’altitude sur un parking goudronné bordé de congères sous le ciel étoilé. La plaine d’Alsace est noyée dans le brouillard givrant mais ici les températures sont tout justes positives.

Des ramens aux légumes dans la gamelle, une soupe miso dans le thermos, une bouteille d’eau pour la soif, une canette coca pour lutter contre le sommeil, un cake Papi Brossard pour le sucre, j’ai de quoi tenir un siège jusqu’à l’épuisement des batteries.

La route qui grimpe au Champ du Feu scintille dans la lumière des phares. Les voitures des skieurs redescendent après une journée au soleil. Moi, je monte chercher les étoiles. 

Il y a toujours du monde là haut, de rares astronomes amateurs, des randonneurs avec leur lampe frontale, des amoureux à la recherche d’un lieu romantique, des adeptes de tuning venus faire rugir leurs moteurs, des marginaux dormant dans leur véhicule, des touristes en camping-car et quelques sangliers égarés.

Des curieux s’approchent timidement de l’étrange machine bardée de câbles aux LEDs clignotantes autour de laquelle s’affaire un hurluberlu en combinaison d’astronaute.

Les fous attirent les fous. Les complotistes, les ufologues, les platistes, les trumpistes plus audacieux s’approchent pour poser leurs questions sans queue ni tête. Avez-vous déjà vu des phénomènes inexpliqués dans le ciel ? La Lune est-elle creuse ? Mars abrite-elle une ancienne civilisation comme l’affirme la NASA ? Jusqu’à quel point notre gouvernement nous cache la vérité sur la COVID 19 ? Pourquoi la nuit est-elle noire si les étoiles sont des soleils ? Croyez-vous qu’il y a de la vie ailleurs ? 

Largement de quoi occuper tout une nuit en questions réponses. 

C’est l’occasion de partager un café et quelques biscuits, d’observer la technique utilisée par le voisin pour réaliser une mise au point parfaite, de montrer nos plus beaux clichés, de comparer notre équipement, de raconter nos pires galères, d’inviter les visiteurs intrigués à jeter un oeil dans nos instruments étranges pour découvrir Jupiter ou bien Saturne, d’expliquer le ciel, les constellations, les planètes, les nébuleuses, les galaxies. Nous nous passons les jumelles pour approcher les étoiles de nos yeux d’enfants. Nous nous exclamons au passage d’un bolide et nous pestons devant un train Starlink qui va gâcher notre série de photographies.

Le pique-nique nocturne se s’achève lorsque les batteries faiblissent ou que l’astre observé est trop bas sur l’horizon. Les derniers badauds sont partis depuis longtemps. Chacun a retrouvé son setup et s’est emmitouflé dans une couverture. Le sommeil et le froid commencent à piquer les yeux. Il est temps de remballer le matériel glacé et de redescendre sur la route glacée, plonger dans le brouillard givrant et retrouver le plancher des vaches. Une nuit de camping sauvage se termine et je regarde déjà les prévisions météorologiques pour savoir quand je pourrais remonter là haut, retrouver les étoiles et leurs adorateurs.

Les hordes migratoires

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J’ai quitté Twitter peu après son rachat par Elon Musk. En effet le réseau social classé X ne correspondait plus vraiment à mes aspirations. 

Un ancien de X m’a fait rentrer chez BlueSky avant que le réseau ne soit ouvert à tout le monde et je me suis créé en parallèle un compte sur Mastodon. Ma petite communauté s’est progressivement reconstruite et depuis je poste régulièrement mes billets et photographies sur ces réseaux sociaux.

Des lieux bon enfant, peu politisés, où les créateurs proposent du contenu souvent de qualité sans s’enliser dans des débats stériles. À côté de ça j’ai toujours Facebook où je publie en mode ami les billets pour quelques personnes que je connais dans la vraie vie ainsi que mes chroniques musicales sur une page dédiée.

Jusqu’à la réélection de Trump, tout allait bien sur BlueSky. Et puis soudain, de nombreux utilisateurs de X ont migré vers l’autre réseau social.

Dans mon fil d’actualité j’ai commencé à lire des réactions à vif sur la politique, sur Trump et évidemment sur Elon Musk. J’ai commencé à tomber sur des publications débiles et pire, j’ai reçu des commentaires se rapprochant de plus en plus des spams. En contrepartie j’ai obtenu plus de petits cœurs et j’ai été reposté plus souvent, surtout les photos qui ont reçu un bel accueil. L’effet de masse.

Pour l’instant cela reste supportable, mais pour combien de temps ? Combien de temps avant qu’un imbécile me prenne en grippe et commence à me harceler comme sur Facebook à la grande époque ? Du coup je réfléchis sérieusement à fermer mon compte BlueSky. Oui déjà…

Les réseaux sociaux me servent de vitrine. Je n’y traîne pas vraiment. Je regarde le travail de quelques photographes qui me plaisent, je lis de temps en temps les billets de quelques amis et je réagis très rarement aux publications. Par contre, le déferlement de bêtise que je découvre en ouvrant les applications chaque jour pour ma publication quotidienne, me font halluciner.

Windows

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Depuis une dizaine d’années je travaille sous Mac. Après des décennies à utiliser des ordinateurs portables Windows qui me duraient à peine trois ans avant de devenir obsolètes, j’ai décidé d’investir dans la marque de la pomme en payant trois fois le prix d’un PC de compétition. Je ne regrette pas ce choix. Ce bon vieil iMac tient toujours la distance même pour le traitement photo et vidéo.

N’empêche, je viens de me résigner à acheter un PC sous Windows 11 tout dernièrement. Bon un tout petit ultra portable 13 pouces reconditionné par une boite locale qui fait de la réinsertion sociale. Un i5 8Go avec un SSD de 256 Go totalement incapable de rivaliser avec le vieux i7 32Go et son SSD de 2To. 

Mais j’avais oublié comme il était pénible de travailler sous Windows. Tout commence par l’installation du système qui dure des heures puis la suppression de tous les logiciels inutiles que l’OS a éparpillé sur le SSD. Ensuite il faut installer les applications dont vous avez besoin sachant que Windows considère comme hostile tout ce qui ne vient pas de son écosystème. Evidemment les programmes ne fonctionnent pas parce qu’il manque les inévitables drivers des caméras et montures, du coup un bon moment se passe encore avant de trouver les drivers en question et de les installer. Et puis il y a ce clavier où les caractères spéciaux sont placés à des endroits improbables, ces menus qui ne restent pas en haut de l’écran et ce navigateur web tellement agaçant.

Pour être totalement honnête, lorsque j’ai eu mon iMac, je me suis fait exactement les mêmes réflexions. Mais voilà, je me suis habitué à l’écosystème Apple et j’ai renié l’univers selon Steve Jobs. Alors ça m’énerve.

Mais pourquoi acheter un petit PC portable alors que j’ai un gros Mac ? Je vous en avais déjà parlé dans le billet Planétaire. Oui, pour faire de l’astronomie bien sur. De toutes manières, toute ma vie tourne autour de l’astronomie depuis quelque temps…

Les gourous de la secte m’ont expliqué que pour réaliser des images des planètes il fallait filmer celles-ci à très grande vitesse et que l’Asiair, l’ordinateur qui pilote mon télescope, n’était pas capable de supporter la cadence. Après quelques essais peu concluants avec l’Asiair et le logiciel Planetary Stacker System, j’ai franchi le cap et acheté un PC potable low cost reconditionné par une association de réinsertion histoire d’avoir bonne conscience et ne pas dépasser le budget que je m’étais fixé.

Me voilà donc dans le jardin avec un télescope, un Asiair, une tablette, deux caméras et un PC ultra portable. Tout ça pour essayer de photographier Jupiter, Vénus et Mars.

Conformément au conseils des mes ainés, j’ai installé ASIStudio, AutoStakkert, FireCapture, AstroSurface et WinJUPOS. FireCapture sert comme son nom l’indique à la capture des images de la caméra, 6 Go en 60 secondes via le câble USB 3.0, autant dire que ça dépote ! AutoStakker va additionner les meilleures images de la vidéo pour fabriquer une photo plus détaillée. AstroSurface permet également de faire l’empilement mais également de retoucher le cliché afin d’en augmenter les détails. WinJUPOS lui semble être une sorte d’éphémérides planétaire mais pour tout vous avouer j’ai fait l’impasse dessus. Cela fait beaucoup de choses à intégrer d’un coup.

Mes premiers essais sont affreux et j’ai déjà une longue liste de points d’amélioration à tester. Faire une bonne mise au point, m’éloigner de la route et des vibrations de la chaussée due aux bus. Utiliser le pied de la monture AVX qui est beaucoup plus stable que celui en fibre de carbone de ZWO. Changer de lentille Barlow pour corriger les aberrations chromatiques de celle que je possède. Aller en altitude pour profiter d’un ciel moins pollué. Apprendre à utiliser ces logiciels et perfectionner la mise en station du matériel.

Mais voila, je m’amuse, même si c’est sous Windows…

Tout seul dans le noir

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La neige est tombée sur le contreforts des Vosges. Le mercure a plongé dans les températures négatives. La fin des vacances approchent et tout le monde semble décidé à rester emmitouflé au coin du feu ce soir.

Sauf moi. Je suis tout seul avec moi-même dans le noir, assis sur une chaise pliante au milieu du vignoble à contempler la lune et Vénus qui se couchent sur les sommets enneigés. 

J’entends au loin les aboiements d’un chien inquiet qui se rapprochent. Ma frontale rouge qui balaie la nuit couleur d’encre doit l’intriguer autant que l’inquiéter. Il finit par arriver avec son maître, encore plus surpris de trouver un être humain vivant installé au milieu de nulle part. Le maître me lance un salut méfiant et le chien passe son chemin non sans avoir grogné une dernière fois. Cette fois je suis vraiment tout seul.

Et puis vient le silence troublé par le ronronnement discret de la caméra et quelques cris de rapaces nocturne. 

Le télescope est installé et pointe une nébuleuse de la constellation du taureau. Les chinois assistèrent à l’explosion de son étoile en 1054 et sa lumière illumina la voûte céleste pendant encore deux années. Aujourd’hui il reste de magnifiques draperies de gaz illuminées par les étoiles que mon télescope tente de saisir. 

Il fait très froid. Du givre se dépose sur le matériel et les valises de transport. Avec trois couches de vêtements, des semelles chauffantes, un bonnet et une capuche, des sous-gants et des mitaines, la température est presque supportable. 

Par contre la solitude est infinie. Une fois le matériel installé et réglé, une fois la calibration effectuée et la cible pointée, il ne reste plus qu’à surveiller que tout fonctionne bien sur les moniteurs. 

Une photo toutes les soixante secondes et ceci pendant au moins deux heures pour espérer obtenir quelques détails dans la nébuleuse. Sorti de pauses grignotage, soupe en thermos, banane et cake aux fruits confits, je pends des jumelles grand champ pour repérer le double amas de Persée, la galaxie d’Andromède, la nébuleuse d’Orion, Mars, Jupiter, Vénus et la Lune. 

Les minutes sont interminables avec personne à qui parler. Il y a bien mes amis astronomes qui échanges des messages sur WhatsApp. Ils observent les planètes depuis leur terrasse ou leur balcon et partagent de magnifiques images. En attendant je suis tout seul dans le noir. 

Soudain un bruit sourd et très proche me fait sursauter. Une porte claquée, un animal forçant un clôture, un psychopathe armé d’une batte de baseball ? Non, c’est ma tablette qui a glissé sur la valise à cause du givre. 

Seulement quatre vingt images. Il m’en faut au minimum cent vingt pour cumuler deux heures de photos.  Je suis en plein dans l’axe des décollages de l’aéroport Strasbourg-Entzheim et des avions ont déjà gâché deux images. Quand ce n’est pas Starlink qui pourrit le ciel, ce sont les Airbus A320. 

Je regarde le chronomètre égrener les soixante secondes de chaque cliché. Que le temps s’écoule lentement dans la nuit par moins cinq degrés. 

Le ciel n’est pas vraiment fabuleux. Certes il n’y a pas de nuage ce soir ce qui est assez rare dans notre région, mais je distingue à peine la Voie Lactée. J’aurais pu monter au Champ du Feu mais avec la couche de neige et une température ressentie proche de moins onze degrés, je ne m’en sentais clairement pas le courage. 

La photo sera certainement moins belle mais c’est la première fois que je photographie la nébuleuse du Crabe, alors ce sera déjà mieux que rien. 

Les mitaines à capuchons qui protègent mes mains glissées dans des sous-gants couvrent mal mes pouces gelés. Les parties amovibles se défont tout le temps, laissant les doigts à l’air. Mes jambes, malgré un pantalon de pluie, un jean et un collant, commencent à ressentir la morsure du givre. Mon nez est congestionné et je n’ai plus de soupe chaude. 

Cent images empilées. Encore vingt-cinq et je remballe le matériel. Cinq de plus pour compenser les inévitables rejets. Je me réchauffe tant bien que mal en marchant dans le noir tout en restant à proximité du matériel pour surveiller le guidage. 

Ces derniers temps j’ai eu de nombreux problèmes avec mon système. Je surveille également le niveau des batteries car avec le froid mordant, leur autonomie baisse à toute vitesse.

Les semelles chauffantes commencent à faiblir. Elles qui étaient annoncées pour huit heures de fonctionnement, n’iront pas au-delà de cinq, mais c’est déjà pas si mal. 

Je suis arrivé à 18h et que je compte lever le camp vers 23h. J’ai besoin de presque une heure pour monter le télescope, faire une bonne mise au point sur une étoile, réaliser l’alignement polaire, calibrer l’autoguidage et commencer à photographier l’objet. J’ai gâché une demi-heure de précieuses photographies suite à une erreur de réglage de la caméra. Cela m’apprendra à faire plus attention.

Cent-vingt-cinq clichés. Ça y est ! Maintenant je dois réaliser les images de calibration. Des Flats, c’est à dire des images blanches pour détecter les défauts optiques de mon système, les poussières et le vignettage, des Darks et des Bias c’est à dire des images noires pour retirer le bruit thermique aléatoire du capteur de la caméra même si celle-ci est refroidie à -20 degrés Celsius. Cela prend encore une demi-heure et il est temps de tout remballer en n’oubliant rien. 

La peau de la banane est durcie, les câbles ont perdu toute souplesse, les malettes sont blanche et la voiture est recouverte de givre. 

Lorsque je démarre le moteur et allume le chauffage, je sens mon corps revivre. J’allume la radio pour enfin entendre une voix humaine et je reprends la route vers Strasbourg, heureux de cette nuit en solitaire mais impatient de retrouver mon lit bien chaud.

Motion de censure

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Des fois j’ai l’impression que les électeurs et certains hommes politiques ne mesurent pas vraiment les conséquences de leurs actes.

Le 9 juin 2024, notre président dissolvait l’assemblée nationale sur un coup de tête et le 30 du même mois, le peuple s’exprimait par votre, transformant durablement la physionomie de l’hémicycle.

Sans majorité bien établie, il fallut attendre le 5 septembre pour qu’un nouveau premier ministre soit nommé en la personne de Michel Barnier. Hélas, mille fois hélas, son gouvernement pris fin le 5 décembre, après le vote d’une motion de censure.

Le 13 décembre, François Bayrou lui succédait et le 23 décembre, celui-ci annonçait son nouveau gouvernement.

Conséquence de tout cela, depuis le 5 décembre 2024, le budget 2025 reste suspendu au vote des députés et certains annoncent déjà une nouvelle motion de censure.

Et alors me direz-vous ?

Ce n’est que de la politique tout ça !

Oui, mais je travaille dans une administration qui dépend des subsides de l’état pour fonctionner. Et de l’argent, nous n’en avons plus depuis mi décembre, date de clôture de l’exercice comptable 2024. En gros les caisses sont vides. Et sans budget, nous ne faisons plus grand-chose, surtout moi qui gère les achats et les marchés publics.

Nous ne pouvons pas payer les factures 2024 en souffrance, nous pouvons plus rien commander et pire encore, nous ne pouvons plus signer de marché avec les entreprises. De nombreux contrats d’entretien, de ménage, de télésurveillance, de contrôle incendie, qui devaient démarrer en début d’année, sont suspendus au vote du projet de loi finance 2025. 

La bonne nouvelle c’est que nous sommes encore payés, à ne rien faire puisque de 80% de mon activité consiste à gérer les dépenses publiques, mais payés quand même. Par contre, si nous ne faisons pas grand-chose, le retard s’accumule comme les factures et les contrats en attente de signature. Lorsque la machine va redémarrer, les journées risquent d’être très chargées. En attendant je bulle.