Quelle étrange sensation que de parcourir les couloirs d’un bâtiment quasi désert la nuit. Les bureaux sont fermés, les lumières éteintes, seul le ronronnement de la climatisation vient briser le silence accompagné du glougloutement des radiateurs mal purgés.
Les collègues se sont couchés dans les chambres de veille, je suis le seul éveillé dans deux mille mètres carrés quasi déserts chauffés à plus de vingt-cinq degrés Celsius. Depuis trois jours, le bâtiment est comme l’enveloppe d’une montgolfière gonflée d’air chaud fuyant de toute parts dans la nuit froide.
Dehors, un drôle d’oiseau vole au-dessus des toits, descendant au niveau des fenêtres pour espionner ce qui se passe dans les bureaux déserts. Ses lumières rouges et vertes clignotent alternativement dans un doux froufrou. Parfois il s’immobilise dans le ciel puis plonge soudain vers le sol.
Dans les couloirs silencieux, un technicien déambule dans le noir pour prendre la température de chaque pièce et la reporter scrupuleusement sur un plan : 20.5 , 22.3, 25.7 degrés. Dehors le drone vrombit toujours devant les baies vitrées, refait plusieurs passes, une photo par seconde de chaque façade. Sur les clichés infrarouges, les ponts thermiques s’illuminent.
Il est quatre heures du matin, la caféine qui coule dans mes veines ne semble plus faire d’effet. Voilà plus de vingt heures que je suis debout. Le drone est parti avec son pilote. Je suis de nouveau tout seul. Mes collègues dorment encore. J’éteins les éclairages extérieurs, baisse la température de la chaudière, règle tous les thermostats sur des valeurs plus raisonnables, éteints les lumières et ferme les bureaux.
Je rentre à la maison où il fait nettement moins chaud me glisser sous la couette. Aujourd’hui je resterai au lit.