Les plus geeks d’entre-vous le savent sans doute, une comète passe en ce moment près du soleil. Il s’agit de C/2022 E3 (ZTF) qui ne nous avait pas rendu visite depuis 50 000 ans.
Une occasion idéale pour vous parler astrophotographie, une activité que j’exerce en dilettante.
La comète étant à peine visible à l’œil nu (magnitude de 5 à 7) dans un ciel pur épargné par la pollution lumineuse, l’utilisation d’un appareil photo permet de ne pas manquer l’événement. Pour information, la limite des yeux est 6, la pleine Lune a une magnitude de -12.5, Vega 0 et Pluton 13.7.
La photo du ciel exige des poses longues, car il fait sombre la nuit. Et les poses longues nécessitent un pied stable, surtout si vous travaillez avec un objectif lourd pour éviter les bougés. J’arrive a photographier au 1/30 de seconde sans pied, après c’est flou. Et ici on parle de temps de pose de une à plusieurs secondes.
J’embarque un pied Manfrotto très maniable mais lourd et encombrant. On ne peut pas tout avoir. Il possède un serrage progressif et fiable même avec quatre kilogrammes de matériel en équilibre précaire.
Pour l’appareil, je fais le choix d’un capteur très lumineux et avec une grande plage ISO, celui du Nikon Z6 II est parfait puisqu’il autorise de monter jusque 51 200 ISO.
Pour les optiques, j’en utilise principalement deux. Un Nikkor Z 24-70 mm ouvert à 2.8 et un Nikkor F 200-500 mm ouvert à 5.6 couplé à la bague FTZ. Pour la Lune, j’ajoute un doubleur de focale me permettant en format DX d’obtenir une focale de 1.5 m mais à f 11.
Cela donne un sac photo qui doit approcher les dix kilos. Et à mon âge, dix kilos sur le dos, c’est dur. Je recherche donc des sites d’observation de préférence accessibles en voiture et loin de la route, vous voyez le problème ? Sinon il y a le jardin avec les éclairages urbains, les lumières des voisins, la pollution atmosphérique et le risque de passer pour le pervers du quartier. Faut choisir.
En ville comme à la campagne, je n’ai pas réussi à trouver la comète à l’oeil nu. Je me suis aidé de l’application Carte du Ciel et d’une première photo grand angle pour cibler plus finement mes recherches.
Pour la mise au point, de nuit, il renoncez à l’autofocus. Et même avec l’aide à la mise au point du Nikon Z6, il faut tâtonner un peu pour y arriver. En fermant un peu plus le diagramme, genre f 11, cela est un plus facile mais du coup il y a moins de lumière qui arrive jusqu’au capteur.
Pour le temps d’exposition, vous pouvez respecter la règle des 500 afin d’éviter le bouger des étoiles dans le ciel (vous savez les petits traits). La règle est la suivante, divisez 500 par la focale en mm de votre objectif pour obtenir le temps de pause en secondes. En plein format, avec un 500 mm vous pouvez poser une seconde, avec un 24 mm, vingt secondes. Donc si vous ne voulez pas monter en ISO, privilégiez le grand angle. Avec la lune, j’utilise un temps de pose proche du centième de seconde car notre satellite bouge très vite dans le viseur avec une grande focale.
Pour le déclenchement, plusieurs solutions s’offrent à vous comme l’application SnapBridge chez Nikon qui vous permet de déclencher le boîtier à distance en Bluetooth ou tout simplement le retardateur, fixé à 10 secondes pour les grosses focales, le temps que les vibrations liées au déclenchement s’amortissent.
Pour le réglage de la sensibilité, il faut procéder par tâtonnements en réalisant plusieurs clichés, à 2000, 3000, 4000… Je suis monté jusque 51 200 ISO au 500 mm mais c’est un peu abuser. Il y a presque plus de bruit que de signal.
Reste le développement. Les photographies prises avec une grande sensibilité (ISO élevés) ont un fâcheuse tendance à être bruitées fatalement mais également à virer dans des couleurs improbables comme le marron rouge.
Un post traitement s’impose. En jouant sur la luminance, la couleur et les détails, il est possible de réduire le bruit. Pour les couleurs, l’augmentation du noir et la réduction de la saturation permettent de ramener un fond de ciel plus réaliste sans trop dénaturer l’image.
Avec juste un téléobjectif, l’astrophotographie d’objets éloignés comme une planète, une comète ou une nébuleuse semblera sans doute relativement misérable en comparaison des clichés réalisés avec des instruments d’observation adaptés, mais c’est avant tout le plaisir de capturer le moment, d’immortaliser l’objet dans son appareil qui prime à la qualité de l’image.
Évidemment, l’idéal serait de photographier à l’aide d’un télescope, un projet que je caresse depuis au moins quarante ans, depuis que je ne fais plus d’astronomie dans un club. Mais la plaine d’Alsace ne se prête pas trop à cette activité et pour avoir un beau ciel, il faut monter dans les Vosges.
Malgré tout j’y songe sérieusement depuis le passage de la comète. Aujourd’hui je peux partir en vadrouille la nuit. Mes petits sont grands et ma femme n’est jamais là. Évidemment, les voisins risquent de s’inquiéter de l’arrivée d’un gros tube motorisé sur trépied dans le quartier.