Depuis le premier confinement, je fais mes courses au drive d’Auchan. Cela m’évite de trainer dans les rayons des supermarchés, de toucher les marchandises, de me faire bousculer par une mémère voulant mes pâtes et de me faire éternuer dessus par le caissier. Bref je psychote un peu dans les magasins, alors qu’aux dernières nouvelles, d’après mon médecin, j’aurai contracté le virus.
Bref. Pour faire les courses au drive, à l’américaine, il faut une grosse voiture décapotable rouge, laisser le moteur allumé et écouter les Bee Gees àfond. Là j’ai tout faux, j’y vais avec la 2008, de toute façon nous n’avons qu’une voiture, j’écoute France Inter et je coupe le moteur. Avec mon masque sur la figure, j’attends patiemment que ma commande arrive, un burger avec le milk shake vanille s’il vous plait, et je range les courses tout seul dans le coffre dans des cagettes spécialement prévues à cet effet.
Mais voila, ma femme m’a abandonné. Elle est partie avec notre seule voiture, me laissant un enfant sur les bras, un chat et un frigo vide. Me quitter c’est une chose, laisser un frigo vide, ça c’est insoutenable ! Bref nous nous sommes mal organisés avant son départ en weekend dans le sud de la France. Oui je ne suis pas parti en weekend prolongé avec elle, nous sommes comme ça, nous nous laissons beaucoup d’espace. En fait elle allait surtout chez ses parents. Sept-cent kilomètres de route, une belle-mère, un beau-père. Je préfère matter des séries sur Disney+ et écouter Dark Horse White Horse à fond tout le weekend.
Seulement, le frigo est vide, enfin, presque, il reste un oeuf, quatre yaourts, un petit bout d’emmental et un demi litre de lait d’épeautre. Pas de quoi tenir cinq jours à deux, même en allant manger des doner kebab tous les midis en face de la maison.
Alors j’ai fait un drive. Un drive à Auchan, car elles livrent ces gentilles personnes, et ça c’est vraiment très cool. Je fais ma liste sur Internet, cent-cinquante euros de bons yaourts, de bonbons Haribo, de lait d’épeautre, de hamburgers, de biscuits, de pâtes, de sauce tomate et de céréales, de quoi préparer de bons repas équilibrés.
Le livreur arrive dans le créneau horaire annoncée avec un petit chariot portant des bacs plastiques contenant ma commande. Génial ! Je mets mon masque, ouvre la fenêtre pour transvaser la marchandise, prenant mon courage à deux mains pour porter les lourdes cagettes quand le livreur en sort un premier sac plastique noir dix litres issu du plastique recyclé, attention. Un sac, deux sacs, trois sacs, quatre sacs, cinq sacs, six sacs. « Voici le surgelé » me dit-il en me tendant un sac blanc. Sept sacs. Un nouveau sac noir, huit sacs, neuf sacs, dix sacs, onze sacs, douze sacs, treize sacs. Le compte en bon.
J’ai treize sacs de courses ! Douze noirs et un blanc. Pour une fois que la parité n’est pas respectée dans le sens usuel… Dans un sac, il y une pizza, dans l’autre deux boites de crème de marrons 250 grammes, dans le troisième quatre yaourt aux fruits… Je croyais que les sacs n’étaient plus distribués dans les super marchés ? Exact, mais ceci est un drive. Je contemple quelque peu écœuré ces treize sac dont je n’ai pas l’usage et que le prochain livreur refusera de récupérer pour une nouvelle livraison.